Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 23

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Cet article 23 est sans doute l’un des articles les plus graves du texte. Comme cela a été dit, il s’agit de transposer dans notre droit la directive Retour, que nous appelons, nous, la directive « de la honte » et que nous rejetons avec force.

Cette disposition, qui réécrit l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’une part, remplace par une procédure unique les deux procédures qui coexistaient pour éloigner les étrangers – l’obligation de quitter le territoire français et l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière – et, d’autre part, institue une peine de bannissement plus ou moins longue selon les cas de figure.

Cette OQTF est décidée et mise à exécution par l’autorité administrative, qui peut, de surcroît, obliger l’étranger à quitter sans délai le territoire français.

Je précise que cette OQTF sans délai de départ volontaire concerne quasiment toutes les situations d’entrée ou de maintien irrégulier sur le territoire.

Il sera difficile demain d’y échapper, mais, après tout, n’est-ce pas là le but recherché ? Cela permettra d’augmenter la proportion d’étrangers quittant effectivement le territoire, ce que n’a pas permis l’OQTF issue de la loi du 24 juillet dont le taux d’exécution s’élevait à 2, 4% selon le rapport de M. Mazeaud publié en 2008.

Cette obligation de quitter le territoire français est assortie, dans certains cas, d’une interdiction de retour d’une durée variable, valable sur l’ensemble du territoire européen. L’étranger qui fait l’objet d’une telle mesure est signalé au système d’information Schengen.

Je précise que le Gouvernement n’a repris que les dispositions les plus sévères de la directive Retour, alors même qu’elle contient quelques mesures protégeant les migrants.

L’Assemblée nationale, qui a cru bon d’en rajouter, a fait du zèle lors de l’examen de cet article 23 et a durci encore le dispositif initial proposé par le Gouvernement, allant au-delà de ce que préconisait la directive européenne, à tel point que la commission des lois du Sénat, peut-être par crainte de la censure du Conseil Constitutionnel, a été obligée de revenir à la rédaction originelle s’agissant notamment du caractère facultatif, et non pas systématique comme le souhaitaient certains députés, de la mesure d’interdiction du territoire.

Bien évidemment, les quelques modifications apportées par la commission pour éviter la censure du Conseil Constitutionnel ne suffisent pas à faire passer la pilule, si vous me permettez cette expression, et ne peuvent masquer la gravité d’une telle disposition pour tous les étrangers et leurs défenseurs.

Ce dispositif, qui n’existe que pour mieux relancer la machine à expulser et atteindre les quotas d’expulsion que le Gouvernement se fixe à lui-même – oubliant totalement que, derrière ces chiffres, se trouvent des femmes, des enfants, des hommes –, va par ailleurs complexifier encore les procédures en matière d’éloignement du territoire.

Enfin, je précise que les décisions prévues par l’article 23 ne seront pas prises par un juge : elles sont laissées à l’arbitraire de l’administration et du préfet, qui peuvent décider de la durée du bannissement du territoire européen et de l’inscription au système d’information Schengen, fichier européen interdisant l’accès au territoire de l’espace Schengen pour une durée allant de deux à cinq ans.

Ces décisions pourront aussi bien concerner les demandeurs d’asile, au mépris de la convention de Genève, que les familles bénéficiaires du regroupement familial, portant ainsi atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

D’ailleurs, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés a formulé de fortes réserves sur ce projet de loi en général et sur son article 23 en particulier.

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