Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 23

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Nous estimons que certaines des hypothèses justifiant, selon le projet de loi, une OQTF sans délai de départ volontaire sont contraires à la directive Retour.

En effet, l’article 7, paragraphe 4, de la directive est très précis et envisage trois hypothèses dans lesquelles l’administration peut s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire : s’il existe un risque de fuite ; si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse ; si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

Cet article doit être interprété comme la manifestation par le législateur communautaire de sa volonté d’encadrer étroitement les cas dans lesquels l’État peut supprimer le délai accordé pour quitter le territoire.

Or l’article 23 du projet de loi va bien au-delà puisqu’il ne prévoit pas moins de huit hypothèses dans lesquelles l’administration peut refuser le délai de départ volontaire.

Cet article décline six possibilités de « risque de fuite », qui ne sont pas prévues par la directive européenne.

Nous considérons, par exemple, que le fait de ne pas avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ne saurait être considéré comme l’intention de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire français. En effet, trop souvent, les pratiques préfectorales rendent difficile, voire impossible le simple dépôt d’une demande de titre de séjour.

De même, le fait de ne pas être en possession d’un document de voyage ou d’identité en cours de validité ne saurait être considéré comme la volonté de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire français tant il est difficile d’en obtenir le renouvellement auprès de certains consulats en France, en l’absence notamment d’un titre de séjour en cours de validité.

L’ensemble de ces hypothèses et le caractère très large des critères retenus laissent un pouvoir discrétionnaire à l’administration pour refuser un délai de départ volontaire.

Je précise que, dans une décision rendue le 18 octobre 2006, le Conseil d’État a précisé la notion de fuite, qui doit, selon lui, « s’entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l’autorité administrative dans le but de faire obstacle à l’exécution d’une mesure d’éloignement le concernant ». Tel n’est pas le cas dans les hypothèses retenues à l’article 23.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d’adopter au moins cet amendement de repli.

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