Par cet amendement, nous proposons de supprimer la possibilité pour l’administration de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire. De fait, cette mesure s’apparente à une expulsion brutale et à une interdiction de revenir sur le territoire français, autrement dit à un bannissement, comme nous l’avons expliqué longuement.
L’article 23 dispose que l’administration pourra, par une décision motivée, décider que l’étranger doit quitter le territoire sans délai. Dans ce cas, il est prévu que l’étranger dispose de quarante-huit heures pour contester la mesure d’éloignement, alors que ce délai est de trente jours dans le cas d’une OQTF avec délai de départ volontaire.
Or, au cours de ce délai de quarante-huit heures, il est évident que l’intéressé – j’allais dire la victime ! – pourra être amené à contester, et il devra le faire dans un même recours, non seulement l’OQTF, mais aussi la décision relative au séjour, la décision refusant un délai de départ volontaire, celle qui mentionne le pays de destination et, le cas échéant, celle qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français, ainsi que le placement en rétention. Quarante-huit heures pour contester six décisions administratives !
Compte tenu de la lourdeur et de la complexité de la procédure, de la brièveté des délais de recours, il est à craindre que la plupart des étrangers n’aient pas la possibilité de déposer leur recours dans les délais. C’est ce qui se passe souvent.
Quant à ceux qui y parviendraient, ils risqueraient de ne pas pouvoir respecter les conditions de fond et de forme posées par l’article R. 222–1 du code de justice administrative, ce qui impliquerait un rejet de leur requête par ordonnance de tri, sans audience.
Ce dispositif n’offre manifestement pas aux étrangers un droit de recours effectif. Il est donc contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, dans un arrêt du 2 septembre 2010, a considéré, dans une situation voisine, que le recours contre un arrêté de reconduite à la frontière à la suite d’une décision de rejet de l’OFPRA, fût-il suspensif, ne pouvait être pleinement effectif, en raison du peu de temps dont disposent à la fois l’étranger pour déposer sa requête et le juge pour statuer, ainsi que des faibles perspectives raisonnables de succès de ce recours.
Par ailleurs, les critères permettant à l’administration de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire sont extrêmement larges et flous, comme toujours, et dépassent largement les possibilités ouvertes par le paragraphe 4 de l’article 7 de la directive Retour.
Cette dernière, dont nous continuons à déplorer l’adoption, prévoit tout de même que l’octroi d’un délai de départ volontaire doit être la règle et le refus, l’exception. Les dispositions de l’article 23 ouvrent donc la voie à la subjectivité de l’administration, voire à l’arbitraire ou, parfois, heureusement, au bon cœur d’un fonctionnaire.
Les alinéas 11 à 21 sont également contraires aux grands principes de la directive Retour, notamment au sixième considérant, qui précise : « Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. »
Une fois de plus, le Gouvernement français va plus loin que ce que la directive Retour lui impose. C’est faire du zèle dans la persécution de l’étranger !