Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Article 23

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Les alinéas 22 à 32 visent à transposer l’une des dispositions les plus graves de la directive Retour puisqu’il s’agit d’accorder à l’administration un pouvoir démesuré, en instituant un véritable bannissement des étrangers et une « double peine administrative ». L’autorité préfectorale va ensuite pouvoir assortir l’obligation de quitter le territoire d’une interdiction de retour sur le territoire français, qui s’étendra au surplus à tout le territoire Schengen, le signalement dans le système d’information Schengen étant prévu par le texte.

Cette disposition va rendre plus difficile encore, voire impossible la recherche éventuelle d’une protection ultérieure en Europe en cas de nécessité !

La durée de l’interdiction de retour variera selon que l’OQTF sera assortie ou non d’un délai de départ volontaire. Il est à craindre que l’autorité administrative ne notifie largement aux étrangers renvoyés des obligations de quitter le territoire sans délai de départ volontaire. Aucun motif n’est spécifiquement prévu en ce qui concerne le droit d’asile afin d’obliger l’autorité administrative à ne pas prononcer une interdiction de retour ou à en restreindre la durée.

Dès lors, si un demandeur d’asile débouté soumis à une interdiction de retour est resté sur le territoire français, il éprouvera les plus grandes craintes à se présenter au guichet d’asile d’une préfecture pour faire valoir son nouveau besoin de protection ou encore régulariser à un autre titre sa situation.

L’interdiction de retour est exécutoire. Craignant de se rendre en préfecture, ces anciens demandeurs d’asile risquent de se retrouver ainsi dans une situation de non-droit pendant plusieurs années.

Si un étranger revient avant l’expiration du délai de l’interdiction de retour, il risque de voir cette interdiction prolongée. S’il est placé en zone d’attente, il risque fort de ne pas être admis à entrer sur le territoire en raison de son interdiction de retour.

Le projet de loi prévoit certes la possibilité pour le ressortissant étranger de solliciter l’abrogation de l’interdiction de retour, mais il exige pour cela que l’intéressé réside hors de France.

Or il sera extrêmement difficile de mener une telle procédure à distance. Quant aux demandes d’abrogation de ceux qui se maintiendront sur le territoire, elles ne seront pas recevables.

En définitive, l’étranger qui souhaitera de nouveau faire examiner son besoin de protection sera contraint de recourir au juge administratif, à condition bien évidemment qu’il le saisisse dans les délais.

Cette mesure étant laissée à la discrétion des préfectures, il y a fort à craindre qu’elle ne devienne en réalité systématique.

Il n’existe pas de cadre législatif suffisant permettant de protéger effectivement les étrangers ayant vocation à recevoir de plein droit un titre de séjour. En pratique, il sera très difficile de contester une telle interdiction de retour sur le territoire.

De surcroît, votre texte va au-delà de ce que recommande la directive Retour, celle-ci excluant, par exemple, sous certaines conditions, aux termes de l’alinéa 2 du 3° de son article 11, la possibilité de prononcer une interdiction de retour contre des personnes victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités. Or cette limitation n’est pas reprise par le projet de loi, ce que nous déplorons.

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