Les alinéas 22 à 32 de l’article 23 tendent à instituer un véritable bannissement des étrangers, qui serait applicable à tout l’espace Schengen pendant une période maximale de cinq ans.
Cette épée de Damoclès serait suspendue au-dessus de tous les étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement puisque, en dépit de l’extrême gravité de cette mesure, aucune catégorie d’étrangers ne serait explicitement protégée. L’article 23 se borne en effet à mentionner de manière floue que l’administration devrait notamment tenir compte de la durée de présence sur le territoire, de la nature et de l’ancienneté des liens avec la France.
Ce faisant, de nombreux étrangers qui ont pourtant vocation à séjourner sur le territoire français, comme des conjoints de Français ou de résidents en France, mais aussi des parents d’enfants français, en seraient bannis de manière discrétionnaire pour une durée allant de deux à cinq ans !
Nous considérons que cette mesure de bannissement est contraire à la Constitution.
Contrairement à la peine complémentaire d’interdiction du territoire, l’IRTF relèverait de la seule autorité préfectorale, et ne serait pas fondée sur une condamnation pénale prononcée par un juge judiciaire. Elle serait donc contraire à l’article 66 de la Constitution, qui dispose que l’autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle.
Ces dispositions méconnaissent également l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que la « loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » ; autant dire que ces peines doivent être proportionnées.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel considère qu’une mesure d’interdiction du territoire ne peut pas être prononcée « sans égard à la gravité du comportement de l’étranger ».
Ces dispositions sont donc contraires à l’article XVI de la Déclaration de 1789, car des étrangers ayant contesté une OQTF pourraient voir prononcer contre eux une interdiction de retour avant même que leur recours, pourtant suspensif, n’ait été examiné par la juridiction administrative.
Le dispositif prévu aux alinéas 22 à 32 n’est pas non plus conforme aux prescriptions de la directive Retour. Cette directive prévoit certes que les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée « si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire ». Cependant, le 4° de son article 7 limite strictement les possibilités dans lesquelles « les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ». Or le présent projet de loi donne à l’administration la possibilité de prononcer un refus de délai de départ dans un nombre bien plus grand de situations.
La directive prévoit que l’octroi d’un délai de départ volontaire doit être la règle et le refus de délai, l’exception. Cela implique que les IRTF automatiquement liées aux OQTF sans délai aient également un caractère exceptionnel. Or le projet de loi inverse cette logique en prévoyant un dispositif dans lequel l’IRTF serait la règle et non plus l’exception.
Enfin, le signalement au fichier SIS de toute personne faisant l’objet d’une IRTF pose également problème, car il ne constitue pas un impératif au regard de la directive. J’ajoute que cette disposition ne respecte pas non plus le principe de proportionnalité des inscriptions au fichier SIS II, consacré à l’article 21 du règlement (CE) n°1987/2006.