Intervention de Nadège Havet

Réunion du 17 mai 2023 à 15h00
Génocide ukrainien de 1932-1933 — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Nadège HavetNadège Havet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Reconnaissance envers les députés de l’Assemblée nationale pour cette décision historique ». C’est par ces mots, postés sur les réseaux sociaux, que le président Zelensky avait réagi au vote, le 28 mars dernier, de la résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation de la grande famine de 1932-1933, connue sous le nom d’« Holodomor », comme crime contre l’humanité.

Cette proposition de résolution déposée par la députée Anne Genetet et nombre de ses collègues, portée de façon transpartisane et adoptée à la quasi-unanimité, invitait le gouvernement français à reconnaître officiellement et à condamner publiquement le caractère génocidaire de ces crimes de masse commis à l’encontre du peuple ukrainien il y a quatre-vingt-dix ans.

Sur l’initiative de la sénatrice Garriaud-Maylam, dont je salue la proposition, notre assemblée s’apprête à son tour à formuler une demande identique, afin de reconnaître comme génocide et de condamner officiellement la famine, la déportation et l’extermination, méthodiquement organisées par les autorités soviétiques, de millions d’Ukrainiens en 1932 et 1933.

Le groupe RDPI votera ce texte, que nous examinons à la suite de l’adoption de deux résolutions intervenues depuis le début de l’année : l’une, déposée par notre collègue Claude Malhuret, votée le 7 février dernier, a exprimé le soutien du Sénat à l’Ukraine, condamné la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie et appelé au renforcement de l’aide fournie à l’Ukraine ; l’autre, déposée par André Gattolin et adoptée le 17 avril, était une proposition de résolution européenne dénonçant les déportations d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie.

Les souffrances d’hier font écho à celles d’aujourd’hui. Alors que les années 2022 et 2023 sont marquées par la commémoration du quatre-vingt-dixième anniversaire de l’une des plus grandes tragédies du siècle dernier, le texte qui nous est soumis cette après-midi répond à l’appel adressé en octobre dernier aux parlements des nations qui soutiennent l’Ukraine par le ministre des affaires étrangères, M. Dmytro Kuleba, puis repris par le Parlement ukrainien, en faveur de la reconnaissance du caractère génocidaire de l’Holodomor.

Ce terme ukrainien, qui se traduit par « extermination par la faim », désigne la grande famine qui a sévi au début des années 1930, entraînant la mort de plusieurs millions d’Ukrainiens.

Cette famine politique, et non climatique, d’une ampleur effroyable, a été orchestrée par Staline entre 1930 et 1933 dans plusieurs régions de l’URSS, dont l’Ukraine. La collectivisation forcée des terres, qui a commencé dès la fin de l’année 1929 en Union soviétique, s’est accompagnée d’une campagne de répression dirigée contre les koulaks, les propriétaires terriens, entraînant une vague d’expropriations, d’arrestations, de déportations et d’exécutions massives.

En lieu et place des exploitations individuelles ont été instaurées des entreprises agricoles collectives, ou kolkhozes, placés sous l’autorité de l’État. Un système de réquisition a été mis en place, provoquant le soulèvement et la révolte de la paysannerie ukrainienne.

La réponse répressive des autorités soviétiques a été immédiate : des brigades ont été dépêchées contre les émeutiers et les récoltes ont été confisquées. Les conséquences furent désastreuses, provoquant un exode rural de masse.

En réaction, l’entrée dans les villes fut empêchée et un blocus instauré, entraînant de nouvelles arrestations et de nouvelles déportations en Sibérie et dans les camps du goulag, ainsi que de nouvelles mesures confiscatoires, à savoir le retrait des produits manufacturés et alimentaires et des impositions exceptionnelles.

La loi dite « des épis » fut promulguée le 7 août 1932, permettant de condamner à dix ans de camp ou à la peine de mort tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste. Des milliers de paysans ukrainiens mourraient chaque jour, affamés, alors que, dans le même temps, plusieurs millions de tonnes de céréales ukrainiennes étaient exportées.

Après la chute de l’URSS et l’ouverture de l’accès à certaines archives, le voile sur cette période dramatique a été levé, bien que Vladimir Poutine réfute de nouveau ces atrocités.

En 2006, prenant acte du consensus en faveur de la qualification de ce crime de masse au sein de la population, le Parlement ukrainien a reconnu la famine comme génocide contre le peuple ukrainien.

Dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui, le 15 décembre dernier, le Parlement européen a adopté à son tour une résolution reconnaissant le caractère génocidaire de l’Holodomor.

Avec mon groupe, je soutiens la demande qui est adressée à la France de suivre cette voie. En votant cette proposition de résolution, il s’agit pour nous de proclamer l’indéfectible attachement de notre pays au respect de la dignité humaine et d’exprimer une nouvelle fois notre soutien au peuple ukrainien par la reconnaissance des atrocités et des souffrances qu’il a subies dans son histoire.

En votant cette proposition de résolution, il s’agit de condamner cette volonté répétée de négation de l’identité et de la nation ukrainiennes.

Pour conclure, je citerai, en substance, des propos tenus lors des explications de vote sur la résolution adoptée par l’Assemblée nationale à la fin du mois de mars : « Voter pour cette résolution, c’est aussi confirmer aux Français, aux Européens et au monde que, lorsque les valeurs essentielles et universelles sont en jeu, il n’y a ni majorité, ni minorité, ni centre, ni droite, ni gauche, mais une assemblée composée de femmes et d’hommes qui représentent la Nation tout entière et qui […] votent en conscience. »

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