Intervention de François Bonneau

Réunion du 17 mai 2023 à 15h00
Génocide ukrainien de 1932-1933 — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de François BonneauFrançois Bonneau :

Monsieur le président. monsieur le ministre, mes chers collègues, la famine orchestrée par l’URSS entre 1932 et 1933 nous rappelle la difficile construction de l’identité ukrainienne, longtemps opprimée et aujourd’hui menacée par la Russie.

La population ukrainienne, répartie dans la région de l’Ukraine actuelle et du Kouban, a été forcée de collectiviser les terres agricoles, afin de permettre l’industrialisation de l’empire soviétique.

Le plan de collecte élaboré par Staline a entraîné des ponctions de plus en plus importantes dans les récoltes, au détriment de la population. De l’ordre de 30 % en 1930, ces ponctions ont porté sur plus de 55 % des récoltes à partir de 1932.

Face à l’opposition virulente des responsables communistes ukrainiens et de la population, le régime soviétique a utilisé l’arme de la faim pour briser le mouvement paysan.

Ce « châtiment par la faim » visait en réalité à éteindre l’identité nationale ukrainienne, l’Ukraine ayant déjà revendiqué son indépendance au moment de la révolution bolchevique. Le droit des Ukrainiens à disposer d’eux-mêmes avait été proclamé par la Rada centrale et une première insurrection paysanne avait brouillé les plans de conquête bolchevique de l’Ukraine au printemps 1919.

Des preuves d’intentionnalité du génocide ont été découvertes lors de la chute de l’empire soviétique. Les réserves de nourriture ont été confisquées et les paysans condamnés à mort ou déportés. Le régime stalinien a également empêché l’exode des Ukrainiens qui ont tenté de fuir et il a mis un terme aux politiques dites « d’ukrainisation ».

Ces preuves tangibles montrent qu’il s’agissait non pas uniquement d’un crime de masse, mais bien d’un génocide au sens de la convention des Nations unies de 1948.

L’Ukraine, ce grenier à blé disposant des terres les plus fertiles au monde, est devenue un charnier, où une famine organisée fit disparaître dans d’atroces conditions hommes, femmes et enfants. Nous ne pouvons taire ce crime.

L’Holodomor, qui signifie « tuer par privation » en ukrainien, a fait entre 3 et 6 millions de victimes. Cet événement est l’un des socles de la reconstruction étatique nationale et identitaire de l’Ukraine post-soviétique.

En 1986, l’historien britannique Robert Conquest a exposé le fonctionnement de la machine génocidaire stalinienne dans un ouvrage intitulé Sanglantes moissons. Son objectif était d’éveiller la conscience publique face à ce drame occulté, afin de l’ancrer dans la mémoire collective.

En novembre 2006, le Parlement ukrainien a reconnu la famine comme un génocide perpétré par l’URSS. Et depuis lors, 31 pays ont fait de même. Le 15 décembre dernier, le Parlement européen a lui aussi adopté, à la quasi-unanimité, une résolution en ce sens, tout comme l’Assemblée nationale, le 28 mars 2023.

Nous ne pouvons pas rester insensibles à cette tragédie. L’histoire nous montre une nouvelle fois combien ignorer ou méconnaître ces faits n’est pas possible pour une nation comme la nôtre, qui défend les droits humains, la paix et la liberté.

La reconnaissance de ce génocide par la France est nécessaire, afin de mettre en lumière une politique d’assimilation et de destruction menée sur des populations civiles.

L’invasion russe a ravivé le souvenir de cette période dramatique pour l’Ukraine, ainsi que la volonté de ce pays de maîtriser son destin malgré toutes les souffrances endurées.

Comme le disait Jean Jaurès, « l’humanité ne peut plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d’un peuple assassiné ».

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