Intervention de Édouard Courtial

Réunion du 17 mai 2023 à 15h00
Génocide ukrainien de 1932-1933 — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Édouard CourtialÉdouard Courtial :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « le droit est l’espoir de l’humanité, pas la guerre ». Ces mots sont ceux de Benjamin Ferencz, le dernier procureur des tribunaux de Nuremberg, qui nous a quittés le 7 avril dernier. Il fut un acteur, parmi d’autres, cherchant à faire en sorte que le droit prime sur la vengeance et donnant ainsi, malgré l’horreur et la barbarie, une leçon aux hommes devant l’histoire et un espoir à l’humanité.

Ainsi, depuis 1948, les États se sont engagés conventionnellement à prévenir et à punir le crime des crimes, celui de génocide. Au sommet de l’indicible du fait de la cruauté et de la barbarie qui le caractérisent, c’est la volonté inébranlable de faire disparaître de la surface de la Terre un groupe national, ethnique, racial ou religieux.

L’adoption de cette convention est largement le travail d’un homme : un juriste polonais du nom de Raphaël Lemkin. Choqué par l’impunité accordée aux responsables ottomans après le génocide arménien, il dédia sa vie au combat contre le génocide, terme qu’il a d’ailleurs créé.

À l’occasion d’une conférence célébrant le vingtième anniversaire de l’Holodomor, Lemkin a déclaré : « Ce dont je veux vous parler est l’exemple le plus classique du génocide soviétique, l’expérimentation la plus achevée en matière de russification – la destruction de la nation ukrainienne ».

L’Holodomor, « extermination par la faim », est encore méconnu de nos compatriotes en comparaison des autres crimes de masses du XXe siècle. Cette famine organisée par le pouvoir central stalinien à partir de 1932 a entraîné la mort de 4, 5 à 9 millions de personnes en Ukraine.

La collectivisation forcée des terres agricoles placées sous l’autorité de Moscou prenant un tiers des récoltes mène alors à une famine en Ukraine. Malgré les alertes envoyées au pouvoir central sur la situation locale, les directives ne font que se renforcer, s’apparentant à une « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle », élément constitutif du génocide à l’article II c de la convention de 1949.

La nature génocidaire de l’Holodomor a déjà fait l’objet d’une reconnaissance, entre autres, par le parlement ukrainien en 2006, le parlement brésilien en 2007 ou encore les parlements européen et allemand en 2022.

Certaines critiques diront que la reconnaissance de ce génocide vieux maintenant de près d’un siècle au moment où la Russie envahit l’Ukraine apparaît comme une reconnaissance de circonstance. Pourtant, cette reconnaissance sincère des crimes passés est rendue plus que nécessaire par la situation contemporaine.

Alors que la Russie est suspectée de génocide en Ukraine, avec une affaire pendante devant la Cour internationale de justice, la condamnation et la reconnaissance de l’Holodomor sont un signal fort de solidarité. Elle atteste de la position de la France, qui combattra toujours l’impunité des criminels internationaux.

De plus, comme la reconnaissance du génocide arménien, toujours nié par la Turquie, la réalité historique de l’Holodomor est, aujourd’hui encore plus qu’hier, niée par la Russie.

L’adoption de cette proposition de résolution est donc un moyen pour la France de s’élever et de relayer la voix des victimes et de l’Ukraine. Face au choix russe du silence et du révisionnisme, cette résolution vise à encourager à ouvrir un travail de fond de réflexion historique et mémorielle juste et indispensable.

Je salue donc cette initiative, portée par notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, que je soutiendrai, bien évidemment. Car si l’on ne veut pas répéter les erreurs du passé ni être aveugle à celle du présent, un regard juste de l’histoire est nécessaire. Qualifier l’Holodomor de génocide, c’est reconnaître une réalité immuable.

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