Intervention de Olivier Becht

Réunion du 17 mai 2023 à 15h00
Génocide ukrainien de 1932-1933 — Adoption d'une proposition de résolution

Olivier Becht :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la résolution que le Sénat examine aujourd’hui revêt une importance toute particulière, non seulement parce que la mémoire de la grande famine de 1932-1933, dite Holodomor, est devenue un élément central de l’identité de l’Ukraine, mais aussi parce que les souffrances alors endurées font écho à celles que le peuple ukrainien subit aujourd’hui, alors que sa capitale Kiev a encore été visée hier par des missiles hypersoniques russes.

D’hier à aujourd’hui, en effet, la détermination dont la nation ukrainienne fait preuve au cours de l’histoire force notre admiration.

Ce texte est également important, car il souligne l’envergure de ce crime de masse qu’est l’Holodomor, resté longtemps méconnu en raison de la volonté des autorités soviétiques de dissimuler les preuves attestant de leur implication dans son organisation.

Il a ainsi fallu attendre l’arrivée au pouvoir de M. Gorbatchev pour que la vérité se fasse progressivement jour, grâce au travail des historiens, qui, à partir de l’exploitation des archives, ont mis en lumière la réalité du projet soviétique. Celui-ci ne visait rien moins que l’écrasement d’un ennemi intérieur fantasmé : le koulak, paysan possédant, que le régime considérait également comme le représentant d’un nationalisme ukrainien cherchant à saboter sa politique de collectivisation forcée.

Pour atteindre ce but, le régime a recouru aux amendes, aux confiscations des moindres réserves de nourriture, mais aussi aux blocus de villages entiers fuyant la famine et aux déportations collectives. Cette répression implacable a fait plusieurs millions de victimes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de résolution que vous examinez aujourd’hui revêt aussi une signification toute particulière en raison de sa résonance évidente avec l’actualité.

La Russie cherche aujourd’hui à instrumentaliser l’histoire, afin de nourrir un récit national justifiant ses ambitions impérialistes et sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Elle pousse la manipulation des événements jusqu’à la dénégation de la réalité de l’Ukraine comme peuple et comme nation.

Face à ces agissements, la France poursuit son soutien au travail indispensable des historiens. Je pense, notamment, aux programmes que nos unités mixtes de recherche en France et à l’étranger ont mis en place, avec l’Ukraine, en histoire et en sciences sociales. L’attachement à la vérité des faits historiques est la marque des nations démocratiques.

La dernière commémoration de l’Holodomor le 26 novembre dernier a rappelé avec une acuité toute particulière que la Russie aggrave par sa guerre d’invasion l’insécurité alimentaire mondiale dont de nombreux États souffrent aujourd’hui.

Là encore, la France a agi avec résolution : le Président de la République a annoncé à cette occasion le soutien de la France à l’initiative Grain from Ukraine, lancée par le Président Zelensky, soutien qui s’est très concrètement traduit par une contribution supplémentaire de 6 millions d’euros pour le transport et la distribution par le programme alimentaire mondial de céréales d’Ukraine à destination du Yémen et du Soudan.

Au travers de cette proposition de résolution, vous vous inscrivez dans ce travail de reconnaissance d’un crime indéniable, comme l’ont fait d’autres Parlements à travers le monde et l’Assemblée nationale il y a peu.

Comme je l’avais indiqué lors de l’examen à l’Assemblée nationale, il n’est pas dans les habitudes du Gouvernement de reconnaître comme génocide des faits qui n’ont pas préalablement été qualifiés comme tels par une juridiction, qu’elle soit française ou internationale. Mais la réalité des crimes commis lors de l’Holodomor ne fait pas de doute, et c’est pourquoi le Gouvernement soutient ce texte.

Je tiens à redire ici le soutien constant et indéfectible de la France à l’Ukraine, pour l’aider à se défendre, mais également à tenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion