Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2019, la France ne produit plus ce qu'elle consomme. Cette situation inédite, totalement indigne de notre potentiel de production agricole, ne peut que nous interroger. Comment en est-on arrivé à une telle aberration ?
Au pays de Sully, est-il normal de voir nos agriculteurs attaqués et stigmatisés continuellement ?
Est-il normal de subir l'intégrisme écologique qui nous empêche de profiter des dernières innovations agrotechnologiques ?
Est-il normal de livrer nos agriculteurs en pâture aux agités du bocal incompétents des réseaux sociaux, qui, dans un délire utopiste, nous éloignent des réalités économiques et terriennes de cette noble profession ?
Est-il normal de décider de surtranspositions de directives, qui ne font que pénaliser nos agriculteurs français face à la concurrence européenne ?
Est-il normal, enfin, de devoir toujours batailler pour faire admettre des mesures évidentes et de bon sens ?
Face à la guerre en Ukraine, qui a bouleversé les marchés agricoles mondiaux, au réchauffement climatique et à la diminution des surfaces cultivables dans le monde, et compte tenu des prévisions démographiques actuelles, notre agriculture doit absolument prendre un nouveau virage.
Après la révolution de l'après-guerre qu'ont provoqué le remembrement et la mécanisation, nous allons devoir relever un nouveau défi : produire plus et mieux, alors que le stress hydrique, la sécheresse et les catastrophes naturelles ne font que s'accentuer.
Trop souvent, la presse et les médias n'écoutent que les détracteurs de notre modèle agricole et ne relaient que les commentaires des marchands de peur et de sensationnel.
Il est trop facile de s'émouvoir des contrats signés avec les autres continents, comme l'accord économique et commercial global (Ceta) ou l'accord conclu dans le cadre du Mercosur, alors que l'on en connaît pas le contenu exact.
Comme l'a souligné M. le ministre, le danger ne vient pas toujours des autres continents. Si je prends l'exemple des productions bovine ou maraîchère, nos principaux concurrents sont aux portes de notre pays.
L'Europe doit se doter à court terme d'un cadre législatif harmonisé si elle veut peser de tout son poids sur les marchés mondiaux : c'est un préalable indispensable à la survie de nos productions agricoles nationales et européennes.
J'en viens maintenant plus précisément au contenu de la proposition de loi.
Le titre Ier montre clairement que la recherche de compétitivité de la ferme France et des investissements que nous devons lui consacrer sont une priorité absolue. L'un des premiers amendements que nous avons soutenus tend d'ailleurs à consacrer la souveraineté alimentaire comme intérêt fondamental de la Nation.
De même, nous ne pouvons que nous féliciter de la constitution d'un fonds spécial de soutien à la compétitivité des filières agricoles en difficulté.
L'investissement, la modernisation, le « produire local » et la réorganisation des filières doivent nous permettre de relancer la productivité de la ferme France. Notre agriculture pourra ainsi retrouver la place qui était la sienne dans notre balance commerciale extérieure.
Je tiens d'ailleurs à saluer tout particulièrement certaines mesures qui figurent au titre II, notamment la création du livret Agri et la mise en place de crédits d'impôt pour les investissements en agriculture, qui contribueront à réduire les coûts de production et à faire progresser la compétitivité prix, seul moyen de réussir la modernisation indispensable de nos exploitations.
Nous ne pouvons plus nous en tenir aux discours rétrogrades de certaines organisations, comme la Confédération paysanne, ou des adeptes de l'agriculture de grand-papa !
Cessons de trembler devant des exploitations de dimension plus importante, car seule la rentabilité de ces structures favorisera l'attrait de la profession. Trop d'agriculteurs sont isolés, manquent de soutien et renoncent, hélas, dans de nombreux cas, à leur projet d'installation ou d'évolution.
Permettez-moi également d'évoquer la dérogation à l'interdiction de pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques. Elle est encore un bel exemple des effets délétères du refus du progrès et du modernisme.
Ce système permet pourtant d'épandre moins de produits et représente une sécurité indispensable, notamment dans les zones collinaires.
Les instituts comme l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) ou les écoles d'agriculture et d'agronomie ne cessent de démontrer tout le bénéfice des évolutions scientifiques et technologiques, autant de progrès qui semblent être ignorés par beaucoup. La surveillance satellitaire des cultures, par exemple, permet d'épandre beaucoup moins de produits sanitaires en ne traitant que les zones infestées.
Au cours de nos débats, nous sommes revenus longuement sur le cas de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et sur son rôle.
Les prérogatives et les missions de cette agence, qui nous est enviée par bien des pays, ont fait l'objet de vives discussions. Pour rappel, cette agence d'expertise scientifique évalue tous les risques sanitaires, alimentaires et environnementaux. Elle est notamment à l'origine du concept révolutionnaire à l'époque de phyto-pharmacovigilance.
En tant que rapporteur pour avis du projet de loi Égalim 1, j'avais loué le caractère indispensable de cette agence et demandé qu'aucune interdiction en matière de produits phytopharmaceutiques ne soit décidée sans l'avis de l'Anses.
En cas de litige, qu'il y ait une discussion avec le ministre sur le rapport bénéfice-risque me semble judicieux, mais je suis beaucoup plus partagé sur le droit de veto.
De même, il serait nécessaire d'augmenter les crédits alloués à l'Anses, afin de débloquer plusieurs dossiers d'autorisation de mise sur le marché de nouvelles start-up qui présentent des molécules pourtant très novatrices, notamment dans le domaine des biocontrôles.