Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Il faut sauver l'article 60 ! »
Tel est le cri d'alerte envoyé par toutes les organisations syndicales depuis la censure du Conseil constitutionnel émanant de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 22 septembre 2022. Sans ce projet de loi, le couperet interviendrait le 1er septembre prochain avec la disparition du droit de visite, outil des douaniers par excellence et cœur de leurs moyens d'action.
L'article 2 de ce projet de loi, sur lequel nous reviendrons au cours de nos débats, offre un équilibre plutôt fin tout en restreignant le rayon des douanes de façon trop importante, notamment au travers de l'oubli volontaire des axes routiers et de certains aéroports.
Nous défendrons des amendements visant à redonner toute sa vigueur au rayon des douanes et à consacrer un droit de visite étendu, mais proportionné, au service des agents et donc à celui de l'intérêt général.
Nous avons bien compris la double volonté du Gouvernement, qui s'inscrit à cet égard dans la continuité des précédents : recentrer les activités des douanes aux frontières, singulièrement sur les missions migratoires, et gérer la pénurie.
Quand certains s'inquiètent à outrance de l'immigration des personnes, la France est ouverte aux quatre vents pour les contrefaçons et autres marchandises non imposées ou non conformes prohibées – drogues, armes, biens culturels, etc. Moins de 1 % des marchandises acheminées au port du Havre font l'objet d'un contrôle physique. Dans un entrepôt Fedex, on recense 100 visites des douanes pour 100 000 colis déposés.
En France, il faut être particulièrement malchanceux pour se faire contrôler par les douanes, malgré le dévouement des brigades de surveillance.
La tragédie débute avec l'Union douanière instaurée en 1968 et se poursuit avec un marché intérieur absorbé en un marché unique, « un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée ». Or assurer la libre circulation, c'est faire des douaniers des facilitateurs d'échanges. Qu'en est-il de la douane et des agents, dépossédés du contrôle aux frontières ? Les communistes s'opposaient déjà à cette disposition en 1987.
S'en est suivi la journée du 4 juin 1991, au cours de laquelle seul le groupe communiste à l'Assemblée nationale a su résister aux injonctions de voter la création de l'espace Schengen. La France devient le hub d'une mondialisation incontrôlée et incontrôlable.
Les douaniers, comme les usines, seraient devenus inutiles, effacés d'un trait de plume, comme par magie, de la carte administrative française. Près d'un arrondissement sur deux – précisément 48, 7 % – ne compte plus d'agent des douanes ; huit départements ne disposent d'aucun douanier. Depuis 1997, l'implantation territoriale a disparu, alors que seuls 10, 69 % des arrondissements n'étaient pas couverts à l'époque.
Les douanes affrontent selon vous de « nouvelles menaces », monsieur le ministre, mais vous en avez oublié au moins une : la disparition progressive de la douane elle-même !
Cela a de graves conséquences, qui s'articulent autour de la concentration des structures, de la désertification du territoire et de la détérioration des conditions de travail et du service rendu à la population et à la société. On ne résoudra pas ce problème, tant s'en faut, avec une réserve opérationnelle, car pour avoir une réserve il faut que les effectifs soient au complet. Dans une équipe de football, on n'a pas de remplaçants si l'on n'a pas assez de titulaires.
Notre territoire est exposé à une pluralité de menaces, qui ne se limitent pas au trafic de cigarettes, seule infraction directement traitée dans ce texte, à l'article 14, par un alourdissement des peines de prison. On peut citer le trafic international de drogue, qui pèse 250 milliards d'euros, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, les 4, 2 milliards d'euros partis en fumette et autres consommations, les trafics d'armes, qui pullulent, ou encore les trafics de médicaments de contrefaçon.
Ce dernier fléau avait déjà été pointé en 2009 par un chargé de mission de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique : « Les produits proposés ne sont pas toujours des contrefaçons ; il y a aussi d'autres formes de délinquance. Il peut s'agir de médicaments volés ou détournés, de charlatanisme ou encore de médicaments qui n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché. La démarche de protection de la santé publique (et par conséquent du consommateur) est une valeur ajoutée à la protection des marques et des brevets. Le risque sanitaire est réel et doit être pris en compte par tous. » La diversité des risques donne une vision panoptique de l'utilité des douanes et de la pluralité des pratiques frauduleuses qu'enrayent ses agents.
Nous portons une ambition forte pour les douanes, qui doivent recouvrer une place centrale en métropole et réinvestir sérieusement les territoires ultra-marins. La France doit prendre toute sa place en Europe dans le contrôle des marchandises et des capitaux, assumer sa charge dans la lutte contre tous les trafics.
La France ne peut plus être submergée de biens issus du commerce mondial sans moyens de s'assurer de leur acheminement dans les règles. Or nous ne voyons sur ce point aucun signe encourageant dans le présent texte, qui privilégie le numérique au physique, le contrôle en ligne au contrôle de marchandises, une douane 2.0 à une douane présente dans tous les territoires.
Nous voterons donc contre ce projet de loi, sauf adoption de nos amendements et évolution positive du texte.