Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 24 mai 2023 à 15h00
Douane — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi est le premier texte entièrement consacré à la douane depuis 1965 ; en cela, il est bienvenu. Comme vous, monsieur le ministre, nous sommes fiers de ce service public, dont les moyens doivent être confortés.

La réécriture de l'article 60 du code des douanes, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en septembre dernier, est indispensable. Cet article concerne le cœur du métier de douanier : procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes en vue de la recherche de fraude.

Par conséquent, nous examinons un texte essentiel. Nous pensons d'ailleurs qu'il serait utile de créer un code des procédures douanières sur le modèle de ceux qui régissent les procédures judiciaires.

Ce projet de loi vise à adapter les pouvoirs douaniers au numérique pour mieux appréhender la cyberdélinquance douanière, notamment par la possibilité de geler les données hébergées sur un serveur distant au cours de visites domiciliaires douanières et de sécuriser la saisie des matériels et des documents numériques.

Il est aussi proposé de créer un pouvoir d'incitation à la vigilance des opérateurs de plateformes de vente en ligne quant aux marchandises disponibles sur leurs sites.

Autant de défis qu'il faut relever !

Les agents des douanes jouent un rôle important dans notre société. Ils sont au centre de la lutte contre les trafics de toute nature et protègent l'État, les acteurs économiques, les citoyens et l'environnement. Toutefois, concernant cette réforme de la procédure et des actes d'enquêtes réalisés par les agents des douanes habilités, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires veillera, comme chacun, à l'existence d'une articulation équilibrée entre les objectifs de lutte contre la fraude douanière et le nécessaire respect des droits, des libertés individuelles et de la vie privée.

Vous procédez aussi, monsieur le ministre, à la création d'une réserve opérationnelle de l'administration des douanes. Notre groupe exprimera ses réserves à l'encontre de cette disposition au travers d'un amendement de suppression de l'article, à l'instar des autres groupes des travées de gauche de cet hémicycle.

Si le recrutement d'une réserve peut utilement renforcer les forces disponibles pendant les périodes estivales ou de surcroît de travail, même si ces dernières sont permanentes au regard des échanges commerciaux, les services douaniers connaissent surtout une situation de sous-effectif, encore aggravée par la suppression de 680 postes dans la dernière loi de finances. C'est à cela, monsieur le ministre, qu'il faut apporter une réponse, en recrutant et en formant de nouveaux agents titulaires.

Si la France emploie près de 18 000 douaniers, l'Allemagne en compte 48 000. À due proportion de la population, la France devrait ainsi disposer de 39 000 douaniers, d'autant que le territoire à réguler est bien plus vaste. D'autres critères peuvent également être pris en compte.

Toutefois, nous considérons que la création d'une réserve opérationnelle de l'administration des douanes n'est pas une réponse à la hauteur des défis que vous avez vous-même soulignés. L'annonce du recrutement de 300 nouveaux douaniers pour lutter contre le trafic de cigarettes n'est, à l'évidence, pas suffisante.

Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que cette disposition se révèle être un cheval de Troie financier ou budgétaire destiné à créer des réserves dans tous les services publics pour faire face aux baisses de postes de titulaires – professeurs, infirmiers, médecins… – que vous souhaitez imposer en cette période de sévères cadrages budgétaires.

Monsieur le ministre, il est enfin important d'accorder à l'administration douanière des moyens à la hauteur de l'hommage que vous lui rendez. Le manque de ressources a de fortes répercussions non seulement sur la répression des fraudes, mais également sur l'environnement – je pense notamment au contrôle des importations et au commerce d'espèces protégées, faune ou flore sauvages, aux conséquences désastreuses et dont pâtissent les écosystèmes mondiaux.

D'après les Études de l'environnement douanier de l'Organisation mondiale des douanes (OMD), le volume de déchets ayant fait l'objet d'un commerce est passé de 45, 6 millions de tonnes à plus de 220 millions de tonnes, entre 1992 et 2012. Cette augmentation de 400 % en deux décennies seulement a des conséquences redoutables pour l'environnement et pour les personnes, notamment en Afrique et en Asie-Pacifique.

En 2019, ma collègue Laurence Cohen avait interpellé le Gouvernement sur le risque de contamination aux pesticides des produits importés depuis le Brésil – oranges, café, soja... Pour le soja, massivement importé à destination de l'élevage industriel, les normes brésiliennes autorisent la présence de 200 fois plus de résidus de glyphosate que les normes européennes ! Or les douaniers ne peuvent rien faire quand la loi est ainsi faite qu'elle permet d'importer en toute légalité des substances interdites.

La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, prévoit l'interdiction d'exporter des produits phytosanitaires contenant des substances bannies de l'Union européenne, mais ne proscrit pas l'exportation des substances actives.

Ainsi, entre janvier et septembre 2022, les autorités françaises ont approuvé 150 demandes d'exportation de pesticides interdits sur notre territoire, soit 7 475 tonnes de produits fongicides, herbicides ou insecticides.

Il faut protéger les consommateurs, mais aussi nos agriculteurs et nos industriels, contre les importations de produits aux normes environnementales, sanitaires ou sociales incompatibles avec les exigences d'un pays comme le nôtre ou d'un continent européen qui a choisi d'affronter les crises climatiques et sociales.

Il n'est pas temps de faire une « pause » sur les normes environnementales ; les douaniers doivent nous aider à l'éviter.

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