Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décision d'inconstitutionnalité qui a frappé le code des douanes a provoqué une onde de choc au sein de l'administration des douanes, et au-delà.
Au cœur des préoccupations de ses agents se trouve la non-conformité de leur droit de visite à la Constitution, comme cela a déjà été souligné à de nombreuses reprises.
Cette décision a eu un effet retentissant, car elle porte sur une prérogative majeure des douaniers, acteurs centraux de la lutte contre les trafics et première ligne de protection de notre territoire et de la population.
La réaction de l'exécutif n'a heureusement pas tardé, en dépit d'un certain cafouillage à l'automne dernier, qui avait d'ailleurs été anticipé par le Sénat.
Nous pouvons a priori espérer qu'un nouveau cadre légal entrera bien en vigueur d'ici au 1er septembre prochain, « délai de grâce » octroyé par les juges.
Pourtant, parmi les douaniers, l'inquiétude ne faiblit pas. Je l'ai d'ailleurs mesurée en participant lundi dernier à une opération de contrôle routier à la barrière de péage de Fontaine, dans le Territoire de Belfort.
Nos douaniers mènent des opérations difficiles, où les techniques de dissimulation évoluent sans cesse et sont de plus en plus sophistiquées. Ainsi, selon les explications d'un chef divisionnaire des douanes, les trafiquants ont recours à des caches aménagées parfois élaborées, y compris lorsque les quantités dissimulées ne semblent pas le justifier.
Très récemment, la brigade de Delle, à la frontière suisse, a saisi onze kilogrammes d'herbe de cannabis cachés dans le réservoir d'essence d'un véhicule léger ou encore des centaines de grammes de cocaïne dissimulés derrière le tableau de bord d'une Citroën C3.
Les moyens de dissimulation se multiplient et concernent tous les types de véhicules, y compris les poids lourds – plancher, réservoir, marchandises cachées au milieu du fret légal.
De même, les moyens déployés sont de plus en plus importants, comme l'illustre la mise en place de convois comptant des véhicules éclaireurs et suiveurs, même pour des quantités limitées. Cette manière de procéder est également utilisée pour les trafics de tabac.
Les agents des douanes sont au cœur des activités régaliennes de l'État. Dès lors, comment imaginer que les douaniers ne détiennent pas de prérogatives spécifiques ? Cela nous rendrait un peu schizophrènes…
C'est pourquoi nous ne pouvons entraver leur action. Nous avons aussi le devoir d'aller vite.
Ce projet de loi parvient-il à préserver l'efficacité et la simplicité nécessaires tout en répondant aux interrogations et aux exigences du Conseil constitutionnel ?
C'est le délicat équilibre recherché et trouvé par nos rapporteurs, dont les travaux ont été guidés par une volonté très claire, rappelée à plusieurs reprises, celle d'encadrer sans entraver.
Je me félicite de leur opiniâtreté qui leur a permis d'introduire des dispositions déjà promues par le Sénat, comme le dispositif de retenue temporaire d'argent liquide circulant à l'intérieur du territoire, lorsque des indices existent en faveur d'un lien entre cet argent et une activité criminelle comme le terrorisme, le trafic de stupéfiants ou la fraude fiscale grave.
Je salue aussi la modernisation du délit de blanchiment douanier, en particulier la disposition qui inclue explicitement les cryptoactifs parmi les fonds couverts par ce délit.
À ce sujet, les rapporteurs rappellent le constat du directeur de Tracfin, selon lequel les trafiquants ont vite compris qu'il était plus facile de payer en cryptomonnaies qu'en argent liquide.
La modernisation et l'adaptation des moyens des douanes aux nouvelles réalités numériques adoptent la même logique. Alors que de plus en plus de données sont conservées sur des clouds, il est indispensable de rendre possible l'enregistrement des données afin d'éviter leur effacement et permettre ainsi leur exploitation ultérieure par les agents.
Là encore, nous pouvons saluer l'exigence de nos rapporteurs pour assurer la sécurité juridique de ces dispositifs et prévenir tout risque d'inconstitutionnalité.
Pour conclure, j'encourage également la création d'une réserve opérationnelle de l'administration des douanes, même modeste, pour faire face à des situations d'urgence. Dernier corps en uniforme de l'État à ne pas avoir de réservistes, il est très pertinent de pallier cette lacune, ce qui permettra notamment de conserver des profils précieux, car très spécialisés.