Intervention de Joël Labbé

Réunion du 23 mai 2023 à 14h30
Ferme france — Vote sur l'ensemble

Photo de Joël LabbéJoël Labbé :

S’agissant de l’eau, le texte donne de façon très inquiétante la priorité au stockage pour l’irrigation, en le considérant comme d’intérêt général majeur, sans engager de réflexion sur le partage de cette ressource. Il prévoit aussi de soutenir massivement et sans conditionnalité l’investissement agricole.

Enfin, dans un contexte de tensions sociales, on propose, alors qu’il s’agit d’un texte sur l’agriculture, de réformer Pôle emploi et de mettre en œuvre le cumul RSA-revenus d’activité au détriment des droits sociaux !

Les solutions figurant dans cette proposition de loi ne répondent pas aux questions cruciales touchant au revenu des agriculteurs et à la hausse des importations de produits alimentaires : se lancer dans la course au moins-disant ne permettra pas de construire notre souveraineté alimentaire. Cela accélérera notre dépendance aux intrants issus d’importations, dont les coûts explosent. Cela affaiblira également les écosystèmes, alors que les agriculteurs dépendent des sols, des pollinisateurs, du cycle de l’eau et du climat.

Les solutions se trouvent plutôt dans la régulation des marchés et la sortie des accords de libre-échange, ainsi que dans une répartition équitable de la valeur. Elles résident aussi dans un rééquilibrage des aides de la politique agricole commune (PAC), qui sont inégalement distribuées et dont la répartition se fait souvent au détriment des filières pour lesquelles les importations augmentent.

Il s’agit également de mener avec volontarisme une politique de relocalisation de notre alimentation.

À cette fin, il faut faire en sorte que toutes et tous accèdent à une alimentation de qualité : on ne peut que déplorer l’abandon du chèque alimentation durable, qui devrait être un premier pas vers le droit pour tous à une alimentation de qualité et locale, bénéfique pour les agriculteurs et nos concitoyens, en cette période d’explosion de la précarité.

Nous continuerons de défendre une sécurité sociale de l’alimentation, afin de conjuguer droit à une alimentation durable et rémunération équitable des agriculteurs. En effet, le modèle agroécologique, fondé sur des pratiques agronomiques permettant de se passer d’intrants, conjugué avec des politiques alimentaires fortes, permettra – nous en sommes convaincus – de relever le défi de la transition.

Pour y parvenir, nous avons cependant besoin d’un soutien massif des solutions de rechange, car, aujourd’hui, seul 1 % de la dépense publique agricole contribue à la sortie des pesticides.

Il faut également soutenir l’agriculture biologique, à laquelle cette proposition de loi n’a pas consacré une seule ligne. La transition se doit d’être accompagnée et organisée. Lors de son audition au Sénat, le directeur de l’Inrae a souligné que l’anticipation était préférable à l’attentisme face à l’arrivée de contraintes extérieures. Il a aussi insisté sur la stabilité et la cohérence des politiques publiques.

Selon l’Inrae, après un travail scientifique sérieux, la sortie des produits phytosanitaires à l’horizon de 2050 est possible. Pour cela, la recherche a besoin de moyens importants. Le directeur de l’Inrae nous a ainsi appris que le budget « recherche » de Bayer, l’un des piliers du funeste Phyteis, était quatre fois supérieur à celui de son institut. C’est dire si nous devons encore faire des efforts !

Avec ce texte, qui fait l’impasse sur les enjeux environnementaux et sanitaires à venir et qui revient sur le droit existant, c’est tout le contraire qui est proposé.

Malgré tout, les propositions que nous contribuons à défendre, bien qu’elles aient été caricaturées durant les débats, portent parfois leurs fruits.

Ainsi, alors que nous vous alertions, à l’occasion de l’examen de chaque texte budgétaire, sur l’absence d’application de la loi Égalim dans la restauration collective, les annonces récentes du Gouvernement, monsieur le ministre, semblent enfin aller dans le bon sens.

Idem pour le soutien à l’agriculture biologique au sujet duquel, en lien avec les filières, nous vous avertissons depuis des mois. Les financements annoncés sont nécessaires, même s’ils restent tardifs et encore insuffisants.

Alors que nous assistons avec regret et dépit au vote de ce texte, auquel nous nous opposons fermement, nous resterons vigilants et combatifs, de sorte que les futurs débats sur la loi d’orientation et d’avenir agricoles permettent d’offrir de véritables solutions pour notre agriculture.

Nous voterons farouchement contre ce texte.

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