Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, tout en ouvrant de nombreuses possibilités, le numérique est devenu dans le même temps une source de dangers, notamment pour les jeunes. Son utilisation par ces derniers entraîne – il est vrai – une exposition accrue aux risques.
Cela a été dit, 82 % des enfants de 10 à 14 ans vont sur internet sans leurs parents ; 95 % des adolescents sur les réseaux sociaux. Les jeunes font un usage massif de ces réseaux, et l’âge de la première inscription est en moyenne de 8 ans et demi, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner.
Cet usage a un lien avec le développement de certaines pratiques, comme les jeux vidéo, au détriment des devoirs ou des cours. Cette tendance a été en particulier accrue par le confinement, et n’a pas cessé depuis lors. On constate que TikTok est massivement utilisé – et pas que par les jeunes ! –, puisque le nombre de ses utilisateurs est passé en trois ans de 4, 5 millions à 15 puis à 20 millions. Environ 60 % des jeunes utilisent un réseau social, notamment celui-là.
Cette massification de l’usage numérique par les jeunes a entraîné une maximisation des risques. Quels sont-ils ? Ils ont été cités : risque de dépendance liée aux algorithmes utilisés, risque de faire de mauvaises rencontres – prédateurs ou vendeurs de drogue –, risque d’isolement, risque de baisse d’estime de soi et risque d’une sédentarité accrue. La plupart des dangers du numérique sont désormais bien connus.
Les conditions d’âge ont été renforcées, mais, comme cela a été dit, encore faut-il pouvoir s’assurer que les vérifications sont réellement faites par les opérateurs. Des avancées doivent tout de même être notées – je pense notamment aux jeux en ligne, qui sont aujourd’hui beaucoup mieux contrôlés. En revanche, pour l’accès aux sites pornographiques, des efforts doivent être encore faits pour faire respecter la condition d’âge.
Un certain nombre de travaux ont porté sur les conséquences de l’utilisation des réseaux sociaux. Ainsi, une étude récente de la Fondation Jean-Jaurès indique qu’une exposition plus grande à ces réseaux induit une croyance dans des thèses complotistes ou antiscientifiques. Seuls 33 % des jeunes estiment que la science apporte plus de bien que de mal, contre 55 % en 1972 ; 82 % de ceux qui utilisent très fréquemment les réseaux sociaux croient en des contrevérités scientifiques, comme le climatoscepticisme, un taux qui décroît chez ceux qui les utilisent moins.
D’autres études montrent que l’utilisation des réseaux sociaux entraîne une sensation accrue d’isolement social – ce qui peut paraître contre-intuitif –, et un mécanisme psychologique bien connu agissant sur la dopamine, que l’on retrouve lorsqu’on joue par exemple aux machines à sous, et qui est lié aux algorithmes employés.
Enfin, mais je ne m’étendrai pas sur cette conséquence déjà largement évoquée, l’utilisation des réseaux sociaux impose les mêmes normes, ce qui peut entraîner des effets de comparaison négatifs.
Cette proposition de loi fait suite à une série de textes que nous avons déjà adoptés sur ce sujet. Je pense bien sûr à la loi de 2018, qui prévoyait un encadrement de l’utilisation des téléphones dans les établissements scolaires, et à celle sur le travail des enfants influenceurs, mais aussi à la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, sur laquelle une commission mixte paritaire a été convoquée le 11 mai dernier. Je pense aussi aux textes sur le cyberharcèlement, qui peut faire suite à du harcèlement scolaire : avait été notamment prévue la possibilité de confisquer les appareils ayant servi au cyberharcèlement.
On le voit, quatre textes ont précédé la proposition de loi sur la majorité numérique, et cet ensemble sera complété par votre projet de loi, monsieur le ministre, qui portera notamment sur la sécurisation de l’espace numérique.
Étape par étape, jalon après jalon, nous consolidons l’encadrement de l’utilisation du numérique par les jeunes.
Car, si la création d’internet et des réseaux sociaux a suscité un formidable espoir, on en a vu par la suite toutes les conséquences négatives. Après le temps de l’espoir et après celui de la prise de conscience des dangers et des risques, doit venir un troisième temps, celui d’un internet régulé et apaisé, pour le bénéfice de nos jeunes.