Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 23 mai 2023 à 14h30
Majorité numérique et lutte contre la haine en ligne — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous connaissons tous désormais les dangers des réseaux sociaux pour nos enfants et pour nos adolescents : accès aux fake news et aux contenus violents, challenges dangereux, etc. Nous sommes bien loin des premiers réseaux qui permettaient simplement de conserver des liens entre familles et amis éloignés les uns des autres.

L’utilisation de ces réseaux par des mineurs pose en réalité un double défi de protection de l’enfance et de santé publique.

Des millions de jeunes Français les utilisent quotidiennement : 55 % des 10-14 ans possèdent au moins un compte, selon la Cnil. En dessous de 13 ans, les enfants ne sont pourtant pas censés ouvrir un compte sur YouTube, sur Snapchat, sur Instagram, sur TikTok, sur Discord ou encore sur Twitch. Or la première inscription intervient en moyenne vers 8 ans et demi, toujours selon la Cnil.

Ces réseaux sont construits selon les principes de l’économie de l’attention : ils captent nos données tandis que leurs algorithmes analysent en continu notre comportement en ligne afin de nous proposer du contenu ciblé, c’est-à-dire, en bon français, addictif.

Les internautes mineurs ne sont pas épargnés. Confrontés aux fake news les plus farfelues et aux théories du complot les plus diverses, les enfants ne savent pas toujours faire le tri dans la surcharge d’informations auxquelles ils sont exposés.

L’Institut français d’opinion publique (Ifop) nous apprend qu’un jeune Français sur six, parmi les 11-24 ans, pense désormais possible que la Terre soit plate, et un cinquième des 18-24 ans pensent que les pyramides égyptiennes ont été bâties par des extraterrestres.

Nos jeunes sont également confrontés à des contenus violents, inappropriés et choquants, parfois sans le vouloir, tout simplement parce que certains sites pour adultes ne verrouillent pas l’accès à leur contenu.

Il est loin le temps du vidéoclub où il fallait passer le contrôle du vendeur pour louer une cassette ; désormais, le contenu pornographique est accessible gratuitement, sans la moindre vérification d’âge.

Près de 2 millions de mineurs en France sont exposés chaque mois aux contenus pornographiques sur internet, comme vous le rappeliez, monsieur le ministre. Cet état de fait préoccupant nous alerte et doit nous engager à agir.

Les réseaux sociaux autorisent une liberté de ton et un anonymat qui n’existent pas dans le monde réel. Ils favorisent toutes les dérives et tous les excès, comme l’avait souligné notre collègue Colette Mélot dans son rapport sur le harcèlement scolaire, dans lequel elle indiquait qu’un enfant sur dix est harcelé à l’école. Ce harcèlement est loin de se limiter à la cour de récréation : il se poursuit jour et nuit via les réseaux sociaux jusque dans l’intimité du domicile familial.

De la même manière, certains de ces réseaux participent à l’hypersexualisation des jeunes, particulièrement des jeunes filles ; d’autres permettent les échanges directs de mineurs avec des adultes malintentionnés, tout cela pour des enfants qui n’ont parfois même pas atteint l’âge de 10 ans. Évidemment, cela ne peut durer.

Permettre à nos enfants de naviguer sur internet en toute quiétude représente un défi majeur. Cette proposition de loi est une première étape dans la réponse que nous y apportons. Ce texte va foncièrement dans le bon sens. Je salue son auteur, notre collègue le député Laurent Marcangeli, pour son engagement sur ce sujet si important. Je remercie également notre rapporteure, Alexandra Borchio Fontimp, pour son travail attentif.

Notre assemblée doit se prononcer avec fermeté sur la question de la responsabilité des plateformes numériques. Dans le même sens, lors de l’examen de la loi confortant le respect des principes de la République, j’avais déposé un amendement visant à rendre les plateformes « civilement et pénalement responsables des informations qu’elles stockent ». Cet amendement, adopté à l’unanimité par le Sénat, n’a finalement pas été retenu par l’Assemblée nationale, ce que je regrette.

Imposer la mise en place effective d’une solution technique pour vérifier l’âge des utilisateurs et l’autorisation des parents est une avancée certaine. Je rappelle qu’il est également essentiel de sensibiliser les parents : il y a des règles d’usage à respecter collectivement.

Le nombre de textes relatifs aux enjeux du numérique et à la protection de l’enfance examinés ces derniers mois démontre une fois de plus l’engagement du Parlement sur ces questions. Je pense notamment à la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants ou à la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Nous pouvons nous en féliciter. C’est également le sens de la commission d’enquête sur l’utilisation du réseau social TikTok, son exploitation des données, sa stratégie d’influence, que je mène depuis quelques mois avec plusieurs de nos collègues.

Le débat d’aujourd’hui est essentiel au regard de l’immensité du défi d’un internet sûr, sain et sécurisé pour nos enfants. Il se poursuivra dans les semaines à venir lors de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, dont nous a parlé en introduction le ministre chargé de la transition numérique. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi.

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