Intervention de Annick Billon

Réunion du 23 mai 2023 à 14h30
Majorité numérique et lutte contre la haine en ligne — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteure, Alexandra Borchio Fontimp, de la qualité de ses travaux.

Pendant que nous débattons, de jeunes collégiennes et collégiens font l’objet de harcèlement en ligne, visionnent des films pornographiques, publient des chorégraphies, etc.

La législation européenne impose aux réseaux sociaux de fixer une « majorité numérique » comprise entre 13 ans et 16 ans. En deçà de 13 ans, les enfants ne devraient pas y avoir accès. Pourtant, en France, 87 % des 11-12 ans ont un compte sur au moins un réseau social et y publient du contenu régulièrement. Doit-on parler de défaillance ou de laxisme ?

La proposition de loi que nous examinons tend à créer une majorité numérique fixée à 15 ans. En dessous de cet âge, elle vise à conditionner l’inscription sur les réseaux sociaux à une autorisation parentale. Malheureusement, il suffit d’un clic et d’une fraction de seconde pour transgresser l’interdit numérique et accéder à l’immensité des réseaux sociaux. Contourner l’accord parental est bien plus simple que de copier la signature d’un parent sur un mauvais devoir !

À l’heure actuelle, nous ne disposons pas des outils de contrôle nécessaires, ce qui met en échec l’intérêt de l’accord parental et l’esprit des réglementations déjà existantes.

Avec Mme la rapporteure, et aux côtés de Laurence Cohen et de Laurence Rossignol, dans le cadre de notre rapport sur l’industrie pornographique intitulé Porno : l ’ enfer du décor, nous avons formulé des recommandations, dont certaines portent sur ces difficultés : comment définir, dans les lignes directrices de l’Arcom, des critères exigeants d’évaluation des solutions techniques ou imposer le développement de dispositifs de vérification d’âge, avec un système de double anonymat, proposé notamment par le dispositif du Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN), et la Cnil ?

L’appel du Sénat a été entendu par le Gouvernement, comme en témoignent les premiers articles du projet de loi sur l’espace numérique, que vous portez, monsieur le ministre, qui reprennent, en les améliorant, une dizaine de nos recommandations.

Au cours des derniers mois, plusieurs solutions de contrôle de l’âge ont été évoquées. Certaines sont en cours d’expérimentation et nous attendons résolument les premières conclusions.

Gardons cependant à l’esprit que les dispositifs qui seront déployés pour les sites pornographiques ne seront pas pour autant facilement transposables aux réseaux sociaux, du fait de la différence de l’âge minimum requis, à savoir 18 ans pour les premiers, contre 13 ans pour les seconds.

Par ailleurs, pour une réelle efficacité, les mesures en faveur de la protection des mineurs doivent se penser à l’échelle du réseau. À défaut, le recours à des dispositifs Virtual Private Network (VPN) permet déjà de contourner la loi française.

Cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre d’une prise de conscience générale et internationale du danger que peuvent représenter les réseaux sociaux, notamment pour les plus jeunes. Nous sommes face à un enjeu de santé publique. L’exposition aux écrans, et particulièrement aux réseaux sociaux, a des conséquences avérées notamment sur la concentration, l’addiction, l’estime de soi et le rapport aux autres. La liste est longue !

C’est pourquoi il y a urgence à combler les vides juridiques – ce que nous faisons aujourd’hui –, mais aussi à mettre en œuvre des dispositifs efficaces. Il s’agit de protéger les enfants et les futurs adultes, mais aussi notre modèle de société. Nous devons tout tenter et tout expérimenter, pour, enfin, réussir à contrôler l’accès à la toile.

Contrôler, sanctionner, éduquer, former au numérique : le travail est immense, et ce texte constitue un premier pas.

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