Intervention de Max Brisson

Réunion du 23 mai 2023 à 14h30
Majorité numérique et lutte contre la haine en ligne — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Max BrissonMax Brisson :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre droit doit sans cesse s’adapter face au développement des pratiques sur internet. Cela est particulièrement vrai s’agissant de la protection des jeunes. Alors que nous venons de voter la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, nous sommes de nouveau réunis pour légiférer sur leur accès aux réseaux sociaux.

Or l’évolution des technologies et le caractère international de l’économie numérique rendent difficile la mise en œuvre concrète des mesures que nous adoptons.

En l’espèce, nous sommes bien conscients des difficultés techniques qui se poseront pour rendre effective l’interdiction d’accès des mineurs de 15 ans aux réseaux sociaux.

Comment les plateformes pourront-elles s’assurer que l’âge communiqué est bien l’âge effectif de la personne qui s’inscrit ? S’il est établi que l’usager est bien un mineur de 15 ans, comment l’accord des parents sera-t-il recueilli ?

Les auditions ont montré que, pour le moment, les plateformes ne disposent pas des moyens techniques nécessaires. Pour autant, soyons-en persuadés, si elles le souhaitent, elles seront en capacité d’agir. Dès lors, pourquoi légiférer ?

Tout d’abord, les plateformes ont toutes évoqué des hypothèses de travail et des pistes prometteuses pour trouver des solutions technologiques. La proposition de loi les y incite fortement, en engageant leur responsabilité et en prévoyant des sanctions.

Ensuite, ce texte doit marquer notre volonté politique d’édicter des règles pour l’usage des réseaux sociaux et la protection de nos jeunes. Il s’inscrit d’ailleurs dans une démarche générale des pays européens visant à donner un cadre à l’usage du numérique. La France ne doit pas avoir un temps de retard ; elle doit au contraire donner l’exemple.

La protection des mineurs a une longue histoire dans notre pays, ce qui est tout à son honneur. Cette dernière doit désormais s’adapter à leur environnement numérique.

Pour autant, selon moi, la protection de nos jeunes doit aussi passer par d’autres actions, notamment de prévention. Nous devons également inscrire dans notre droit la place que les parents devraient occuper dans le processus d’inscription sur les réseaux sociaux.

Car les chiffres, cités ce soir plusieurs fois, sont édifiants : les enfants sont massivement connectés aux réseaux sociaux et s’y inscrivent de plus en plus tôt. Selon la Cnil, 82 % des enfants de 10 à 14 ans indiquent consulter régulièrement internet sans leurs parents. La première inscription sur les réseaux sociaux intervient en moyenne vers 8 ans et demi, et plus du quart des 7-10 ans les utilisent régulièrement. Le phénomène a été renforcé récemment par la crise sanitaire et les confinements successifs.

Parallèlement, les parents supervisent peu ou pas les activités en ligne de leurs enfants, par méconnaissance, mais également par un sentiment d’impuissance. Selon une enquête menée par e-Enfance, à peine plus de 50 % des parents décideraient du moment et de la durée de connexion de leurs enfants, tandis que 83 % d’entre eux déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font en ligne.

Un nombre croissant d’études scientifiques attestent les risques induits par cette surexposition : risque pour le développement des enfants, pour leur construction sociale, pour leur santé, mais également risques de harcèlement et de cybercriminalité, l’actualité nous rappelant que ces derniers peuvent conduire à des drames.

Certes, l’expérience vécue sur internet ne se résume heureusement pas à ces effets néfastes. Il s’agit également d’un formidable outil de connaissance et de communication. Toutefois, il nous faut constater que notre société se trouve confrontée à un double défi de santé publique et de protection de l’enfance, qui n’a pas été suffisamment anticipé.

Le présent texte a le mérite d’impliquer les plateformes et de donner aux parents le cadre nécessaire pour mieux contrôler les usages de leurs enfants.

Il permet par ailleurs d’intégrer enfin la définition européenne des réseaux sociaux et d’édicter diverses règles concernant la diffusion de messages de prévention et des numéros verts, ou encore la procédure de réquisition judiciaire de contenus électroniques.

Notre rapporteure, dont je tiens à saluer l’investissement sur cette proposition de loi, mais aussi, plus généralement, sur la protection des mineurs dans l’environnement numérique, s’est attachée à rendre le texte plus opérationnel. C’est donc un texte abouti qu’il nous est proposé d’adopter aujourd’hui, et notre rapporteure, que je remercie de son engagement, a décidé avec raison de lui « laisser sa chance ».

Aussi, comme l’a dit Guillaume Chevrollier, le groupe Les Républicains apportera son soutien à ce texte, tout en soulignant, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, que vos échanges avec les fournisseurs de services de réseaux sociaux seront essentiels pour que le cadre fixé aujourd’hui devienne effectif. La balle est désormais dans leur camp. Je suis persuadé, comme je le disais à l’instant, que, s’ils le veulent vraiment, ils trouveront les moyens de donner du contenu à ce texte, qui les y incite.

Ainsi, en adoptant cette proposition de loi ce soir, nous faisons une bonne chose !

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