Intervention de Guillaume Chevrollier

Réunion du 23 mai 2023 à 14h30
Majorité numérique et lutte contre la haine en ligne — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Guillaume ChevrollierGuillaume Chevrollier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi du député Laurent Marcangeli, dont l’objectif est de mieux encadrer l’usage des réseaux sociaux par nos jeunes en instaurant une majorité numérique à 15 ans et de lutter contre la haine en ligne.

En effet, nous constatons chaque jour certains effets délétères et toxiques que peuvent provoquer les plateformes de réseaux sociaux sur les enfants et les adolescents, avec – vous le rappeliez, monsieur le ministre – des expositions à des contenus inadaptés.

Le défi à relever est de taille. Il suffit de lire les différents chiffres cités dans le rapport de notre collègue Alexandra Borchio Fontimp, dont je salue l’excellent travail : 82 % des enfants de 10 à 14 ans consultent internet sans leurs parents, 46 % des 6-10 ans disposent de leur propre smartphone, 28 % de cette tranche d’âge se rend régulièrement sur un réseau social, tandis que 60 % des 11-18 ans seraient inscrits sur TikTok.

Ces chiffres sont alarmants et cachent parfois des situations particulièrement inquiétantes : dépression, anxiété, sédentarité, isolement, troubles du sommeil, de l’humeur et de la mémoire, ou encore cyberharcèlement. La Cnil rappelle ainsi que « 6 % des collégiens seraient harcelés jusque dans leur chambre via leur smartphone ou les réseaux sociaux ». Ce sont 6 % de trop !

De leur côté, les parents ignorent la vie numérique de leurs enfants ou n’ont pas toujours les moyens ni le temps de la superviser. Ces derniers sont pourtant très vulnérables face aux stratégies commerciales de plus en plus agressives et ciblées des plateformes, qui « sursollicitent » leur attention.

Dans ce contexte, la régulation de l’accès à internet pour nos jeunes constitue un véritable enjeu de santé publique. M. Marcangeli tente avec son texte d’y apporter une réponse en fixant à 15 ans l’âge en dessous duquel le mineur aura besoin du consentement de l’un de ses parents pour s’inscrire sur un quelconque réseau social.

Cette borne doit à la fois servir de boussole pour les parents et obliger les réseaux sociaux à repousser l’âge d’entrée, fixé jusqu’à présent à 13 ans.

Le but est d’envoyer un signal fort au moment où certains de nos voisins européens encadrent plus strictement l’usage des outils numériques. Ce texte contribue également à restaurer l’autorité parentale. La remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement permettra par ailleurs de mieux évaluer les conséquences des réseaux sociaux sur le développement cognitif de nos enfants et adolescents. Cela contribuera aussi à animer un débat public sur ce sujet de société.

Du point de vue technique, les auteurs de ce texte incitent vivement les plateformes à contribuer à l’encadrement de l’usage des réseaux sociaux par les mineurs en développant des solutions technologiques permettant de déterminer l’âge de la personne s’inscrivant à un réseau social et de recueillir l’accord de l’un des deux parents. Il s’agit aussi pour elles de respecter plus rigoureusement le cadre national et européen sur la protection des données personnelles des mineurs. C’est une bonne chose.

Toutefois, il ne faut pas se leurrer. La mise en œuvre de cette proposition de loi sera complexe et longue. Il faudra compter sur la bonne volonté des plateformes. Si la perspective de sanctions devrait aider à avancer assez rapidement, la rapporteure a tout de même souhaité rendre le texte plus opérationnel par le biais de précisions techniques bienvenues.

Concernant les conditions de la majorité numérique, l’accord d’un seul des titulaires de l’autorité parentale suffira pour accepter l’inscription d’un mineur de 15 ans sur un réseau social.

Un nouvel article décale également l’entrée en vigueur de la loi afin de respecter l’obligation de consultation de la Commission européenne et d’augmenter le délai permettant de travailler à des solutions techniques.

Ainsi, cette proposition de loi ambitieuse constitue une partie de la réponse aux enjeux de santé publique et de protection de l’enfance qui nous préoccupent tous. Si elle est adoptée, ce que le groupe Les Républicains souhaite, elle devra encore faire face à de nombreux obstacles.

En effet, d’autres mesures sont nécessaires pour préserver les mineurs des dérives d’internet. C’est dans cet esprit que le Sénat s’est mobilisé en adoptant récemment la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux et la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.

Mon groupe votera donc ce texte, car nous restons convaincus qu’exposer un enfant trop tôt aux écrans et à internet nuit à la construction sereine de sa personne et de son intelligence. Il faut se donner les moyens d’agir avant qu’il ne soit trop tard et trouver les bons équilibres face aux nouvelles technologies du numérique.

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