Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 30 mai 2023 à 14h30
Douane — Vote sur l'ensemble

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Nous le savons, malheureusement, c'est le Conseil constitutionnel qui nous a obligés à réformer ce code. Je dois dire que sa décision a été vécue – M. le ministre le confirmera sans doute – comme un véritable électrochoc pour les agents des douanes. Nous nous en serions bien passés. Elle a néanmoins été l'occasion d'aller au-delà d'une réforme minimaliste, pour revoir, comme cela a été dit, un code des douanes qui est parfois très ancien. Je salue à cet égard le travail réalisé par le rapporteur pour avis de la commission des lois, notre collègue Alain Richard.

Dans ce projet de loi – nous ne pouvons que nous en réjouir –, le Gouvernement ne s'est pas contenté de proposer une mise en conformité du droit de visite. Il a également inséré plusieurs dispositions visant à moderniser le code des douanes.

Je note d'ailleurs, monsieur le ministre, que tout cela n'aurait sans doute pas été possible si nous vous avions suivi dans votre choix initial, tel qu'il était formulé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. En effet, vous nous proposiez initialement de légiférer par voie d'ordonnance. Nous aurions raté l'occasion d'aller plus loin. Nous sommes donc heureux que le Conseil constitutionnel se soit finalement opposé à ce cavalier ! Cela nous permet aujourd'hui de débattre de la question et d'aller plus loin qu'une réforme minimaliste…

Nous avons pu avoir des échanges constructifs, ce dont je vous remercie, et, je le répète, réformer pour la première fois un code des douanes parfois très ancien. Il s'agissait de prendre en considération de nombreuses évolutions. Je pense aux évolutions technologiques, qui n'étaient pas intégrées dans un texte vieux de plusieurs dizaines d'années. Il fallait également adapter ce dernier aux changements de comportement des organisations criminelles, notamment en matière de blanchiment ou d'utilisation des cryptoactifs.

Prenons l'exemple des flux d'argent liquide et du blanchiment. L'article 6, que nous allons voter dans un instant, donne aux agents des douanes la possibilité de retenir temporairement l'argent liquide circulant sur le territoire national lorsqu'il existe des indices montrant que cet argent est lié à une activité criminelle, à l'instar de ce qui existe pour la circulation d'argent liquide aux frontières. En effet, on ne peut pas lutter contre les flux illicites si on ne lutte pas en parallèle contre les flux financiers, ce qui a sans doute un effet dissuasif beaucoup plus fort.

Vous le savez, les organisations criminelles se sont adaptées aux contrôles aux frontières et recourent de plus en plus à des collecteurs de fonds sur le territoire. Nous devons pouvoir lutter contre ce phénomène, y compris en étendant le périmètre du délit de blanchiment douanier.

Autre signe d'adaptation, ce délit inclura désormais les opérations de blanchiment, de plus en plus nombreuses, effectuées au moyen de cryptoactifs. Là encore, il s'agit de répondre aux évolutions des trafics, en évitant de laisser un coup d'avance aux organisations criminelles.

Sur l'ensemble des articles du projet de loi, le Sénat a travaillé avec un même objectif en tête : défendre les prérogatives des agents des douanes tout en les assortissant des garanties nécessaires. La volonté est claire, il s'agit d'encadrer sans entraver.

Certains – j'ai entendu parler de « compromis » tout à l'heure – y verront une contrainte. Je ne partage pas ce point de vue : cet équilibre n'est pas une contrainte, mais, au contraire, la condition même du bon fonctionnement des douanes et de la portée opérationnelle des pouvoirs de leurs agents. Nous l'avons d'ailleurs vu avec le droit de visite.

Je citerai ensuite quelques exemples des travaux de notre assemblée. Nous avons clarifié le droit au recours contre les décisions de retenue temporaire d'argent liquide, sécurisé les saisies lors des retenues douanières ou encore encadré la nouvelle prérogative permettant aux agents des douanes de procéder au gel des données numériques dans le cadre d'une visite domiciliaire.

Nous avons aussi voulu donner sa pleine portée à la possibilité accordée à la douane de demander le retrait ou l'inaccessibilité des contenus ayant constitué le moyen de commettre une infraction douanière en ligne. Cette disposition importante représente une avancée indéniable pour mieux lutter contre les ventes de contrefaçons, de tabac et de stupéfiants, nombreuses sur internet.

Ces trafics étant très nombreux, le travail des douaniers s'apparente à un travail de fourmi. Le seul moyen de lutter contre cette multiplication de petites infractions, c'est de donner un pouvoir plus important aux douanes, en leur permettant d'entraver la vente des marchandises en ligne en quelques jours.

À l'initiative de la commission des finances, le Sénat a strictement encadré ce dispositif et l'a rendu pleinement opérationnel, en ajoutant une sanction à l'encontre des intermédiaires en ligne qui ne répondraient pas aux demandes de la douane. En un mot, plutôt que d'aller rechercher toutes les infractions sur internet, nous mettons les plateformes en demeure de retirer de leurs sites la vente de marchandises prohibées et prévoyons une sanction en cas d'absence d'exécution de leur part.

Notre groupe soutient également les autres dispositions de ce projet de loi, que ce soit la création de la réserve opérationnelle, l'habilitation à légiférer par ordonnance pour procéder à la recodification du code des douanes, ou encore le renforcement des sanctions encourues pour trafic de tabac.

Je le rappelle, comme M. le ministre l'a fait précédemment en séance : 650 tonnes de tabac ont été saisies en 2022, ce qui était un record. Ce trafic va sans doute malheureusement aller croissant, du fait de l'augmentation du prix du tabac légal. De plus en plus d'organisations criminelles se reportent vers lui, ce trafic étant jugé moins risqué que le trafic de stupéfiants.

Pour autant, nous ne sommes pas naïfs : renforcer les sanctions ne permettra sans doute pas d'assécher les flux illicites de tabac. Nous avons beaucoup à attendre des actions de lutte contre la vente de tabac illégal.

J'en terminerai avec les ajouts de notre assemblée, concernant notamment les échanges d'informations avec l'autorité judiciaire ou la police, ou le recours aux drones.

J'insisterai sur un point : la lutte contre la fraude à la détaxe de TVA. Nous ne le savons peut-être pas encore assez, mais la TVA est l'impôt le plus fraudé. Selon les estimations de la Commission européenne, la fraude à la TVA représente une perte de recettes de l'ordre de 20 milliards d'euros à 25 milliards d'euros pour les finances publiques.

Or cette fraude inclut notamment la fraude à la détaxe, qui se pratique à la frontière, au départ de la France. Il s'agit d'un point de fuite majeur. Nous avons souhaité lutter contre ce schéma de fraude particulier. J'espère, monsieur le ministre, que vous souscrirez à ces dispositions.

Le groupe Les Républicains votera donc l'ensemble de ce projet de loi.

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