Mesdames, messieurs les parlementaires, si vous votez cette révision constitutionnelle, vous vous retrouverez ici même, dès le premier jour de la session, pour écouter le discours du Président de la République vous indiquant, sous le feu des caméras, votre feuille de route.
La venue du Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès est hautement symbolique de la dérive de nos institutions depuis l’instauration de la Ve République, et plus particulièrement depuis l’instauration de l’élection du Président de la République au suffrage universel en 1962. Sous prétexte de mettre un terme à l’instabilité politique de la IVe République, notre République en est venue à avoir un pouvoir exécutif à la tête hypertrophiée. Or, bien loin d’apporter un remède à cette hypertrophie présidentielle, ce projet de loi l’aggrave. Il est d’ailleurs intéressant de constater que vous minimisez cette nouveauté, qui constitue pourtant la raison majeure de la réforme aux dires mêmes de M. Pasqua. C’est bien simple, vous n’en parlez plus.
L’article 8 du projet de loi qui organise l’intervention présidentielle devant le Congrès du Parlement est d’application immédiate. Point de loi organique, point de modification du règlement à prévoir comme pour la plupart des autres dispositions du projet. La raison d’être du texte, son moteur, s’impose à nous.
Pourtant, l’introduction dans notre Constitution de ce discours digne de celui d’un monarque, assénant la parole présidentielle aux parlementaires, sans que ceux-ci puissent s’adresser ensuite directement à lui ni même exprimer leur opinion par un vote, modifie profondément l’équilibre des pouvoirs.
Le Président devient une sorte de Premier ministre, mais sans avoir à en endosser la responsabilité politique. Il est à la fois le chef de la majorité et du parti de la majorité. Son droit de dissolution n’est pas remis en cause, pas plus que l’attribution des pleins pouvoirs en vertu de l’article 16 de la Constitution.
Ce présidentialisme à la française consacre un exécutif à une tête, doté d’une majorité présidentielle captive, ainsi qu’une confusion des pouvoirs comme il n’en existe dans aucune démocratie. De fait, c’est la disparition de la fonction d’arbitrage que conférait, en tout cas juridiquement, la Constitution de 1958 au Président de la République.
Depuis des mois, vous agitez un leurre. Cette réforme constituerait, selon vous, un renforcement des pouvoirs du Parlement que les parlementaires, toutes opinions confondues, seraient bien ingrats de refuser ! Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a même qualifié les dispositions concernées de « révolutionnaires ». Vous avez du mal à convaincre, malgré des sondages manipulés de dernière minute et une désinformation systématique sur le contenu du texte.