Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, méconnus, invisibles, voire ignorés, les jeunes aidants représentent entre 500 000 et 1 million de personnes en France. Cette absence de statistiques claires témoigne de la faiblesse de nos politiques publiques en la matière.
Dès le plus jeune âge, ces jeunes assument de lourdes responsabilités : ils accompagnent au quotidien un parent malade qui dépend de leur présence et de leur soutien.
Une telle situation fait peser sur eux une charge mentale importante, avec des répercussions sur leur vie scolaire, personnelle, ou professionnelle. Les risques pour la santé psychique et physique des jeunes aidants ne sont plus à démontrer et les décrochages scolaires, tout comme l'isolement social, sont fréquents.
En France, la reconnaissance et l'accompagnement des jeunes aidants est un angle mort de nos politiques publiques. Comme le rappelle notre rapporteure Toine Bourrat, dans le cadre d'un classement international, la France vient d'être classée comme pays émergent en la matière.
Les associations alertent depuis de nombreuses années sur cette situation. Je pense notamment à l'association nationale Jeunes aidants ensemble (Jade), qui développe des dispositifs d'accompagnement et de soutien partout en France.
Cependant, le monde associatif ne pourra pas éternellement compenser les défaillances de l'État. Il est de notre devoir de prendre ce sujet à bras-le-corps et de défendre toutes les mesures nécessaires.
Aussi, je tiens à remercier nos collègues Jean-François Rapin et Toine Bourrat du travail de réécriture effectué sur ce texte. Il était temps que notre assemblée s'empare du sujet.
La présente proposition de loi constitue une première avancée pour reconnaître les jeunes aidants et les soutenir. Toutefois, en se limitant au seul accompagnement financier, le texte ignore les recommandations des associations et des syndicats étudiants, qui demandent l'adaptation des rythmes d'études. Nos échanges avec l'Union nationale des étudiants de France (Unef) ont souligné plusieurs urgences : la création d'un régime de dispense d'assiduité pour les étudiants aidants, la généralisation d'une offre d'enseignement à distance de qualité et la mise en place d'un accompagnement pédagogique spécifique.
Alors que la prise en charge des étudiants aidants est fortement disparate d'un établissement à l'autre, nous appelons de nos vœux un cadrage national.
Une campagne nationale de sensibilisation des professionnels de l'éducation nationale et de santé s'impose également.
Il faut mettre fin à certaines injustices qui affectent le système des bourses étudiantes. Là encore, le constat est alarmant. Les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) montrent que les étudiants sont souvent en situation de pauvreté financière et que près d'un quart d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.
De plus en plus d'étudiants doivent travailler pour financer leurs études. Cette situation est devenue la norme. Je ne pensais pas que les conditions de vie des étudiants auraient reculé à ce point durant ces dernières décennies.
Aujourd'hui, trois étudiants sur quatre n'ont pas accès aux bourses alors que la précarité ne cesse d'augmenter.
Madame la ministre, nous attendons beaucoup de la prochaine réforme des bourses. Mais à quand une réponse structurelle à ce problème pour donner à tous les étudiants les meilleures conditions pour réussir leurs études ?
Prenons l'exemple des pays scandinaves, où chaque étudiant perçoit une allocation individuelle, indépendamment du revenu de ses parents, pour lui permettre de se consacrer sereinement à ses études et de prendre son autonomie. Certes, une telle mesure a un coût. Mais ce n'est pas tant une dépense qu'un investissement dans la réussite des jeunes Ce serait aussi un investissement pour casser le déterminisme social qui mine notre société française au système scolaire inégalitaire.
Avec cette allocation d'autonomie, nous pourrions soutenir et accompagner l'ensemble de notre jeunesse, qu'il s'agisse de jeunes aidants, d'étudiants précaires ou de jeunes travailleurs.
Madame la ministre, nous vous demandons solennellement d'ouvrir une vraie réflexion sur le sujet.
Ce texte ouvre la voie en matière d'accompagnement des jeunes aidants. À nous de poursuivre le travail pour apporter des réponses à la triple crise sanitaire, sociale et sociétale actuelle.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cette proposition de loi. §