Intervention de Thierry Grumiaux

Groupe de suivi sur la nouvelle relation euro-britannique — Réunion du 13 février 2019 à 15:5
Audition de M. Vincent Pourquery de boisserin coordinateur national pour la préparation à la sortie du royaume-uni de l'union européenne gestion des flux de personnes et de marchandises de Mme Isabelle Maître déléguée permanente auprès de l'union européenne et de M. Thierry Grumiaux délégué de la commission « transport international douane et logistique » fédération nationale des transports routiers

Thierry Grumiaux, délégué de la commission « transport international, douane et logistique » de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) :

Demain, le Brexit créera de nouvelles formalités, notamment douanières, qui engageront la responsabilité des transporteurs. Pour nous, il ne peut en être ainsi, notamment parce qu'il existe un certain mélange des genres, qui consiste à parler de « transporteurs » au sens large pour désigner tout à la fois les transporteurs routiers, les commissionnaires de transport, les chargeurs ayant des véhicules pour compte propre, et les ferries.

En réalité, on doit distinguer trois acteurs principaux dans une opération de transport routier international de marchandises : le « chargeur » ou « exportateur » s'il provient d'un pays tiers - comme le Royaume-Uni après le Brexit -, le « commissionnaire de transport » ou « représentant en douane enregistré » s'il est issu d'un pays tiers et, enfin, le « transporteur » dont la tâche est uniquement de transporter les marchandises qu'on lui confie. Aujourd'hui, c'est là que le bât blesse : on ne sait pas quelle sera la responsabilité exacte qui pèsera sur les conducteurs. Cette incertitude est vraiment problématique.

Comment un conducteur se présentant chez un chargeur pourra-t-il s'assurer que la déclaration de la marchandise aux douanes a bien été effectuée ? Comment pourra-t-il vérifier que les formalités ont bien été réalisées avant le passage aux frontières ? Comment pourra-t-il savoir s'il doit faire viser un document d'accompagnement ? Les conducteurs sont les otages du dispositif.

Évidemment, certaines entreprises de transport choisiront de remplir les nouvelles formalités pour le compte de leurs clients. Simplement, il y en aura très peu : ce seront essentiellement les grands groupes, dans la mesure où peu de TPE ou de PME ont les moyens d'embaucher un déclarant en douane qui, je le rappelle, engage la responsabilité pénale du chef d'entreprise. On estime qu'il faudrait entre 1 000 et 1 100 déclarants supplémentaires pour gérer la hausse des déclarations en douane liée au Brexit, alors que nous ne sommes capables d'en former que 100 à 150 par an.

Le Brexit aura pour effet d'allonger les délais de transport, que ce soit à l'import ou à l'export, dans des proportions inconnues. Cela entraînera inévitablement des coûts supplémentaires. Prenons un exemple : en France, les délais d'attente des chauffeurs sont rémunérés. Ces frais supplémentaires engendrés par le Brexit, qui ne sont donc ni de la responsabilité du transporteur ni de celle du chargeur, ne pourront pas pour autant être répercutés sur l'exportateur.

M. Pourquery de Boisserin évoquait la centralisation du contrôle des produits de la mer à Boulogne-sur-Mer. C'est une très bonne chose sauf que, dans certains cas, les transporteurs devront faire un détour pour s'y rendre, ce qui engendrera des délais et donc, je le répète, des coûts supplémentaires. Pire, certains conducteurs de bonne foi ne se soumettront pas aux contrôles faute de temps, et délivreront directement leur marchandise sans remplir les formalités douanières. Le problème ne sera découvert qu'a posteriori. Cela étant, l'idée d'une centralisation des contrôles à Boulogne-sur-Mer est peut-être la moins pire des solutions.

Demain, plus de 10 000 véhicules, qui en étaient jusqu'à présent exonérés, seront soumis à des formalités douanières et à des contrôles de diverse nature. Je vous laisse en imaginer les conséquences ! On a calculé qu'une minute d'attente supplémentaire pouvait allonger une file de camions de 27 kilomètres supplémentaires ... La France souffre déjà d'une pénurie incontestable de conducteurs, lesquels sont de moins en moins enclins à se rendre au Royaume-Uni en passant par Calais à cause des difficultés, avérées ou non, liées aux migrants. S'il faut aussi tabler sur des files d'attente interminables, plus aucun chauffeur ne voudra aller outre-Manche ! La réalité est peut-être différente sur le terrain, mais c'est ce que ressentent les entreprises aujourd'hui.

Autre point sur lequel nous attendons des réponses : la reconnaissance des permis de conduire européens. Ces permis permettront-ils toujours de circuler sur le territoire britannique ?

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