Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez employé à l’instant, monsieur le ministre, l’expression : « encadrer, sans entraver ». C’est la volonté affichée par le Gouvernement ; c’est également celle qui a guidé la commission des finances tout au long de ses travaux.
Le présent texte sur les douanes est le fruit d’un compromis. Ce travail était nécessaire non seulement pour mieux encadrer certaines pratiques des agents des douanes qui apparaissaient, comme vous l’avez souligné, quelque peu datées au regard de l’évolution de la jurisprudence, mais aussi pour assurer une meilleure protection des libertés individuelles.
Ce texte comporte également des dispositions visant à étendre les prérogatives de la douane et à les adapter aux nouvelles formes de criminalité et de fraude, notamment sur internet, que les rédacteurs du code des douanes ne pouvaient imaginer au moment de son élaboration.
Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord corriger l’un de vos propos. Vous avez dit que ce code n’avait presque jamais été réformé. Ce n’est pas tout à fait exact en ce qui concerne les dispositions relatives au tabac : chaque année, les douanes font adopter de nouvelles dispositions en loi de finances ou en loi de finances rectificative pour mieux lutter contre le trafic de tabac.
En revanche, il est vrai que les autres dispositions du code des douanes sont quelque peu datées, raison pour laquelle vous nous proposerez d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour procéder à la recodification dudit code.
Ce texte est donc le fruit d’un travail de compromis. Certains parleront d’un équilibre à trouver comme s’il s’agissait d’une contrainte. Je ne partage pas ce point de vue : cet équilibre n’est pas une contrainte, mais la condition même du bon fonctionnement et de la portée opérationnelle des pouvoirs des agents des douanes.
Ce projet de loi répond à la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre dernier, qui a déclaré non conforme à la Constitution le droit de visite des agents des douanes. Faute d’équilibre, c’est l’une des principales prérogatives des douanes, sans doute la plus utilisée, qui est menacée, à savoir la possibilité de fouiller les marchandises, les moyens de transport et les personnes.
Cette décision, comme vous l’avez souligné au cours de nos auditions, monsieur le ministre, a certes fait l’effet d’un électrochoc auprès des agents des douanes, mais elle a aussi démontré combien il était nécessaire de moderniser la législation. C’est la raison pour laquelle nous examinons, pour la première fois depuis de nombreuses années, un projet de loi dédié au code des douanes.
Alors que certaines des dispositions de ce code n’avaient pas été modifiées depuis des décennies, il était essentiel d’adapter celui-ci aux nouvelles menaces et aux nouvelles technologies.
La commission des finances, saisie au fond, a délégué à la commission des lois l’examen des articles 1er à 5, 8 et 11. Je laisserai le soin de les présenter au rapporteur pour avis, notre collègue Alain Richard, que je salue et que je remercie pour notre travail en commun et la qualité de nos échanges. Je vous présenterai, quant à moi, la position et les apports de la commission des finances sur les autres articles.
L’article 6 crée un dispositif de retenue temporaire d’argent liquide circulant à l’intérieur du territoire, lorsqu’il existe des indices que cet argent est lié à une activité criminelle. Je suis très favorable à cette disposition.
Vous l’avez rappelé à l’instant, monsieur le ministre, Claude Nougein et moi-même avions formulé cette recommandation dans le cadre de notre rapport Donner à la Douane les moyens d ’ accomplir sa mission dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, qui faisait suite à plusieurs déplacements sur le terrain au cours desquels nous avions pu constater que le trafic de stupéfiants s’accompagnait d’une circulation d’argent liquide difficile à appréhender.
On ne peut lutter contre les flux illicites si on ne lutte pas en parallèle contre les flux financiers, de manière plus fortement dissuasive. Or, s’il existe bien des procédures de retenue de l’argent liquide aux frontières, il n’en existe pas pour l’argent circulant à l’intérieur du territoire national. Les organisations criminelles l’ont bien compris et ont de plus en plus recours à des collecteurs de fonds sur le territoire national.
Il faut bien évidemment que cette retenue temporaire soit encadrée. Sur cet aspect, la commission a précisé que le propriétaire de l’argent liquide, s’il est différent de la personne à laquelle a été notifiée la décision de retenue, pouvait tout de même exercer un recours contre cette décision.
L’article 13 vise à moderniser le délit de blanchiment douanier en prévoyant une triple extension du champ d’application de cette infraction.
Premièrement, une extension de son champ d’application territorial afin de sanctionner pour blanchiment douanier non seulement des opérations financières réalisées sur le seul territoire français, mais également les activités de transport de fonds par des mules entre le territoire métropolitain et la Guyane, où il existe un fort trafic de cocaïne et une activité importante de blanchiment douanier. Cette extension permettra en outre de cibler des activités portant sur des infractions d’origine commises à l’étranger. Sur ce dernier point, les travaux de notre commission contribueront à la sécurisation de l’article 13.
Deuxièmement, une extension du périmètre des fonds couverts par le délit de blanchiment pour y inclure les cryptoactifs. Il s’agit, là encore, d’adapter notre droit aux nouvelles réalités, notamment numériques.
Troisièmement, une extension du champ de la notion de « personnes intéressées à la fraude », permise par l’adoption d’un amendement de la commission des finances, qui permet d’étendre le périmètre des personnes susceptibles d’être sanctionnées au titre non seulement du délit de blanchiment douanier, mais également de l’ensemble des délits d’importation et d’exportation.
Sur un sujet connexe de lutte contre la fraude, j’insiste, monsieur le ministre, sur la nécessité d’améliorer la lutte contre la fraude de détaxe à la TVA. C’est un point de fuite majeur, contre lequel le Gouvernement me semble agir très peu. Il n’est ainsi fait aucune mention de la TVA dans le plan de lutte antifraude aux finances publiques que vous avez présenté à grand renfort de publicité. Nous en avons été très étonnés – le rapporteur général de la commission des finances ne me contredira pas…