Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où la mondialisation entre dans une nouvelle phase, la frontière représente une limite utile, qui permet de filtrer les allées et venues des personnes et des marchandises.
La frontière est également un signe d’humilité et de modestie : comme le souligne Régis Debray, « non, je ne suis pas partout chez moi ». Depuis les années 1990, 27 000 kilomètres de frontières ont été tracés et un monde virtuel est apparu, ce qui nous oblige à imaginer des répliques adaptées.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Il tire également les conséquences de la décision par laquelle, le 22 septembre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l’article 60 du code des douanes.
Si la lutte contre la fraude peut être assimilée, historiquement, à une course entre le chat et la souris, cela ne signifie pas qu’il faille renoncer : au contraire, il faut innover pour ne pas se laisser distancer.
Grâce à la mise en commun du travail de trois ministères et à l’efficacité de l’Office anti-stupéfiants (Ofast), l’État a pu procéder à des saisies records de stupéfiants en 2022. Au total, ce sont 104 tonnes de drogue, dont 17 tonnes de cocaïne, qui ont été saisies sur le territoire national.
Au Havre, sans doute plus qu’ailleurs, la douane signifie quelque chose. Véritable porte d’entrée et de sortie pour la France, le port du Havre est aussi, malheureusement, une place convoitée par les trafiquants.
Ainsi, plus de 7 tonnes de cocaïne y ont été saisies l’année dernière, dont une saisie record de près de 1 900 kilos, soit « la plus grosse saisie de l’histoire de la douane », selon le ministre Gabriel Attal. De même, les saisies de tabac comme de déchets illégaux ne cessent d’augmenter, comme l’illustre bien la saisie effectuée en avril dernier sur le port du Havre. En 2022, les douaniers ont également intercepté et retiré du marché près de 11 millions d’articles de contrefaçon, véritable gangrène pour l’économie.
Pourtant, et malgré leur dévouement, nos douaniers sont à la peine. Leur combat quotidien ressemble parfois à celui de David contre Goliath. Ils ressentent plus que quiconque l’effet de ciseau entre hausse du trafic, d’une part, et baisse des effectifs, de l’autre. Ces derniers, ayant fondu d’un quart depuis les années 1990, n’ont pas été compensés par les gains de productivité liés notamment à l’informatique et à la mise en œuvre de l’espace Schengen.
Les moyens restent insuffisants et les méthodes d’action demeurent limitées par une législation aujourd’hui dépassée, tandis que les trafiquants ne manquent, eux, ni d’idées ni de ressources, tant l’économie souterraine rapporte. Dès lors, il est plus que nécessaire de fourbir des armes légales correspondant à la réalité rencontrée au Havre comme partout en France.
La mise en conformité du droit de visite douanière a été l’occasion, pour la commission des lois, de clarifier les dispositifs proposés. Ainsi de la précision apportée à la notion d’« abords » des lieux où les opérations des agents des douanes peuvent être conduites à toute heure : la définition d’un rayon de 10 kilomètres autour des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières apporte une limite spatiale claire. Le renforcement des garanties accordées aux personnes a été un autre cheval de bataille de notre commission, qui a voulu veiller au respect des principes fondamentaux et de la dignité humaine lors des fouilles individuelles.
Le cadre d’exercice des pouvoirs douaniers est également modernisé, qu’il s’agisse des capacités d’enquête au service de la performance dans la lutte contre les réseaux de criminalité organisée ou de la clarification du régime de transfert à l’État de la propriété des objets saisis et non restitués.
L’intégration du numérique dans les missions des douanes est au cœur de cette nouvelle approche. Ainsi, la possibilité de copier des données stockées dans un système informatique non implanté sur les lieux visités par les agents habilités illustre la prise en considération de ces aspects innovants et essentiels. Le numérique doit être traité avec la même rigueur que les aspects physiques de leur travail et être soumis au même examen à l’aune de nos principes et libertés.
Un renforcement de l’échange d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration des douanes a également été apporté par la commission des lois, pour améliorer la coordination et l’efficacité.
L’expérimentation des données des lecteurs automatisés de plaques d’immatriculation (Lapi) devra être évaluée rigoureusement pour envisager sa pérennisation, comme il est d’usage pour toute expérimentation. Conformément aux préconisations de la Cnil, les données ne devront pas systématiquement être conservées pendant la durée maximale de quatre mois.
Puisque le juste équilibre entre l’impératif d’efficacité des enquêtes douanières et la préservation des droits individuels a été trouvé dans ce projet de loi, tel que modifié et enrichi par les travaux des rapporteurs, le groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte.