Intervention de Catherine Belrhiti

Réunion du 24 mai 2023 à 15h00
Douane — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine BelrhitiCatherine Belrhiti :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, administration de la frontière et de la marchandise, la douane remplit deux missions simultanées : elle soutient l’attractivité économique du territoire tout en assurant la sécurité de celui-ci et de sa population.

Les chiffres de l’année 2022 attestent de l’importance de ces deux missions : 104 tonnes de drogue ont été saisies par nos services douaniers, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, pour une valeur de revente estimée à plus de 1 milliard d’euros, et cela sans compter le tabac et les articles de contrefaçon.

À l’ère du numérique, l’administration des douanes fait face à un double défi : adapter ses méthodes d’action à une frontière désormais également numérique et faire face à l’intensification des flux illégaux corrélée à la complexification des pratiques délinquantes et à l’adaptabilité toujours plus grande de réseaux criminels s’appuyant sur les nouvelles technologies.

L’année 2022 a également marqué un tournant dans les prérogatives des douanes françaises.

En effet, le 22 septembre dernier, le Conseil constitutionnel a censuré le droit de visite douanière, lequel était aussi nécessaire à l’action douanière répressive que potentiellement porteur d’atteintes aux droits individuels.

Ce projet de loi répond à deux enjeux majeurs.

Dans un premier temps, il me semble primordial d’éviter le vide juridique que pourrait entraîner la décision du Conseil constitutionnel.

En effet, le droit de visite permettait aux agents douaniers « de procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes », et cela sans limitation ni de lieu, ni d’horaire, ni de circonstances.

La censure de ce droit affaiblit l’action douanière et empêche tout simplement l’exercice des prérogatives des agents lors d’un contrôle, lequel doit nécessairement rester inopiné. Pour rétablir l’équilibre, le texte issu des travaux de la commission des lois du Sénat redéfinit deux caractéristiques essentielles du droit de visite.

D’abord, il restreint le rayon des douanes, périmètre établi à partir des frontières terrestres et du littoral au sein duquel les agents des douanes disposent de prérogatives étendues de contrôle.

Ensuite, il crée une gradation en matière de visite, en fonction du lieu et des motifs, adaptant en conséquence le contrôle exercé par les juges et les garanties offertes aux personnes contrôlées.

La visite douanière répond désormais aux exigences de proportionnalité de l’atteinte au droit d’aller et de venir et au respect de la vie privée des personnes tout en associant l’autorité judiciaire à la recherche des infractions douanières les plus graves.

Dans un second temps, ce projet de loi vise à adapter un code douanier datant de 1948 aux nouveaux enjeux de lutte contre les trafics à nos frontières.

En effet, l’administration douanière ne dispose pas des leviers juridiques nécessaires pour faire face aux nouveaux usages des trafiquants, notamment pour appréhender le volet numérique des infractions en cas de commission en ligne de certains délits douaniers ou pour recueillir des preuves informatiques.

Les agents des douanes, par exemple, ne peuvent à ce jour prendre connaissance des pièces et documents se trouvant sur un support informatique ni les saisir, ce qui est en décalage total avec les enjeux économiques de notre époque.

De même, bien que la vente en ligne de marchandises prohibées à l’importation soit courante, aucun dispositif de lutte contre les contenus illicites en ligne n’est prévu à ce jour dans le code des douanes.

Ce projet de loi vise à renforcer la lutte contre la criminalité en ligne et à moderniser les procédures d’enquête pour mieux prendre en compte la cyberdélinquance, qui doit être une priorité de l’action douanière. Ce texte vise à y parvenir efficacement.

Cette réforme constitue l’opportunité de doter les douanes de l’arsenal juridique approprié, mais aussi d’encadrer dès maintenant son utilisation afin de prévenir toute restriction disproportionnée des droits individuels.

C’est dans cet objectif que la commission des lois a cherché à clarifier le régime juridique des nouveaux outils dont le Gouvernement entend doter l’administration.

Elle a ainsi précisé que les opérations de visite ne pouvaient durer plus de douze heures consécutives sur un même lieu et que le contrôle ne pouvait porter que sur une fraction limitée du public présent.

De même, la définition d’un rayon de 10 kilomètres autour des ports, des aéroports et des gares se substitue à la référence aux « abords » de ces lieux, notion bien trop équivoque pour être juridiquement acceptable.

Ces ajouts ont un objectif précis : éviter les écueils que provoquerait une nouvelle décision d’inconstitutionnalité d’une autre disposition du code des douanes.

Le rôle même des douanes est par nature dérogatoire au droit commun tant il peut conduire à restreindre la liberté des individus.

Néanmoins, les enjeux frontaliers de demain s’imposent déjà à nous. Ce texte vise non pas seulement à corriger nos lacunes passées ou à se conformer aux enjeux actuels, mais à anticiper nos futures difficultés et à donner à notre administration les moyens d’y faire face.

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