Intervention de Pascale Gruny

Réunion du 31 mai 2023 à 15h00
Débat sur le bilan de l'application des lois

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

Ce sont là les mots non pas du Sénat, mais de la Première ministre, dans une circulaire du 27 décembre 2022 relative à l'application des lois. Les mots sont forts et rappellent l'importance de notre débat d'aujourd'hui. Mais qu'en est-il des actes ?

Le bilan que je vous présente analyse la mise en application des lois adoptées lors de la session parlementaire 2021–2022, c'est-à-dire entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022.

Durant cette période, soixante-quatre lois ont été adoptées ; dix-huit étaient d'application directe et quarante-six lois nécessitaient un total de 649 mesures d'application.

Par rapport à la session 2020–2021, le taux global d'application des lois s'améliore, pour s'établir à 65 %, contre 57 % l'année dernière. Par ailleurs, le délai moyen de prise des textes d'application diminue, passant de six mois et neuf jours l'année dernière à cinq mois et vingt jours, et respectant ainsi la limite de six mois que s'est fixée le Gouvernement par une circulaire de février 2008, objectif réaffirmé dans la circulaire de décembre 2022.

Enfin, le taux de remise de rapports du Gouvernement au Parlement progresse : il est de 36 %, contre 21 % l'année dernière.

Mais le diable se niche dans les détails et ces améliorations générales cachent des réalités très disparates.

Certes, le taux global d'application progresse, mais il reste très variable selon les lois et selon l'origine du texte. Une loi emblématique de la session, comme la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « loi 3DS », n'avait ainsi un taux d'application que de 52 % au 31 mars 2023, plus d'un an après sa promulgation.

Surtout, les lois d'origine parlementaire ont un bien plus faible taux d'application que les autres. Ce taux s'établit à 56 %, contre 65 % toutes lois confondues. Cet écart de près de dix points est d'autant plus frappant que les lois d'initiative parlementaire contiennent en général un nombre bien plus limité de mesures réglementaires. La loi d'origine sénatoriale visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, dite « loi Reen 1 », du 15 novembre 2021, n'affichait au 31 mars 2023 qu'un taux d'application de 33 %. Elle ne nécessitait pourtant que six mesures d'application.

Je souhaiterais ici attirer tout particulièrement l'attention sur l'application des mesures issues d'amendements sénatoriaux. Le Sénat, soucieux de ne pas alimenter une inflation législative déjà chronique, est un pourvoyeur raisonné de nouvelles mesures réglementaires d'application par voie d'amendement par rapport au Gouvernement ou à l'Assemblée nationale.

Mais, alors que le taux global de prise de textes d'application s'établit à 65 %, il chute à 57 % pour les mesures issues d'un amendement sénatorial, contre une moyenne de 67 % pour celles qui sont issues d'un amendement du Gouvernement et de 70 % pour celles qui sont issues d'un amendement de l'Assemblée nationale.

Ce dernier chiffre peut en partie s'expliquer par l'existence d'amendements présentés par des députés, mais en réalité suggérés par le Gouvernement.

Cependant, une nouvelle fois, c'est bien la question du respect effectif de la volonté du législateur lorsque celui-ci siège au Palais du Luxembourg qui se trouve posée.

S'agissant de la remise des rapports du Gouvernement au Parlement, si le taux global de rendu s'améliore, aucun des vingt-et-un rapports demandés au détour d'un amendement d'origine sénatoriale n'a été transmis. Là encore, cette déficience est d'autant plus dommageable que, suivant une doctrine constante, les commissions font pourtant preuve de parcimonie dans leurs demandes de rapport. La réserve du Sénat continue, comme l'année dernière, à ne pas être récompensée.

Je terminerai cette présentation générale en abordant la question de l'application des lois adoptées après engagement de la procédure accélérée.

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