Le Gouvernement recourt toujours massivement à cette procédure puisqu'elle s'est appliquée à quarante-cinq des soixante-quatre lois adoptées durant la session 2021–2022.
Pourtant – et c'est un paradoxe –, le délai moyen de prise des textes d'application n'en est pas pour autant plus rapide. Ce délai moyen s'établit à six mois et huit jours, contre un délai moyen, toutes lois confondues, de cinq mois et vingt jours.
Même si l'écart n'est pas exorbitant, le constat s'impose donc d'une célérité imposée au Parlement, à laquelle le Gouvernement, quant à lui, ne s'astreint pas pleinement, jusqu'à dépasser le délai de six mois prévu depuis 2008 et réaffirmé en 2022.
S'agissant de la procédure accélérée, je note au passage que la secrétaire générale du Gouvernement, lors de son audition au Sénat de juillet 2022, assurait que « le Gouvernement avait bien entendu les messages les plus récents sur le souhait, notamment du Président du Sénat, que cette procédure ne soit pas systématiquement sollicitée ». Elle indiquait qu'une « procédure intermédiaire pourrait être imaginée, une procédure certes accélérée, mais tout en respectant les délais de quatre à six semaines prévus à l'article 42 de la Constitution », précisant qu'il s'agit « d'une piste qui devra être regardée ». Où en est-on aujourd'hui de cette réflexion ? Que proposez-vous, monsieur le ministre ?
Avant d'en venir à des questions de fond sur l'application de certaines lois, j'aimerais aborder des questions de méthodologie.
Comme vous le savez, les méthodes retenues par vos services ne sont pas exactement les mêmes que celles qui le sont par le Sénat. Outre la prise en compte propre au Sénat des mesures différées, nous recensons les arrêtés et les décrets prévus pour l'application des lois ; vous ne retenez, quant à vous, que les mesures appelant un décret d'application.
Cette année, l'écart est particulièrement important : 68 % pour notre taux hors mesures différées et 74 % pour le vôtre. L'explication en est que le taux de parution des arrêtés – que les services du Gouvernement, je le rappelle, n'incluent pas dans leur bilan – est particulièrement faible, à 42 %, contre 72 % pour les décrets.
Cette année encore, nous regrettons cette absence de suivi des arrêtés par le secrétariat général du Gouvernement. Pour l'application d'une loi, peu importe que la disposition adoptée renvoie à un décret ou à un arrêté : la non-adoption de l'un ou de l'autre a pour effet, dans les deux cas, d'empêcher la volonté du législateur de se traduire pleinement dans le droit.
L'année dernière, Mme Landais avait envisagé que le secrétariat général du Gouvernement soit « au moins le relais d'une demande de suivi un peu plus précis des arrêtés et sur des schémas plus harmonisés, avec éventuellement des clauses de revoyure ». Alors que le Gouvernement a tenu, par une circulaire actualisée, à rappeler avec force à ses services l'importance du suivi de l'application des lois, où en est-on, là aussi, de ce projet ?
Monsieur le ministre, je souhaite, pour terminer, vous poser quelques questions précises, en ma qualité de membre de la commission des affaires sociales ainsi que de la commission d'enquête sur la pénurie de médicaments.
La première concerne l'application de l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Cet article a inscrit dans le code de la sécurité sociale la possibilité de prise en compte de critères d'implantation des lieux de production sur le sol français pour la fixation du prix des médicaments et des dispositifs médicaux. Au cours de la navette, le Gouvernement avait fait valoir qu'un décret précisant les conditions d'application de cette disposition serait de nature à retarder sa mise en œuvre. Toutefois, faute de décret, celle-ci a été soumise à l'élaboration d'une doctrine propre par le Gouvernement et le comité économique des produits de santé (CEPS), une élaboration qui a pris beaucoup de retard et a conduit à la définition d'un champ d'application plus restreint que ce que le législateur avait voulu.
Ma deuxième question porte, elle aussi, sur les mesures de nature à lutter contre ce phénomène de pénurie de médicaments. L'article 61 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a introduit dans le code de la santé publique la notion de « préparations hospitalières spéciales ». Mais le décret en Conseil d'État indispensable à son application n'a toujours pas été pris, alors que ces préparations constituent un moyen fort utile de lutte contre les pénuries de médicaments indispensables, comme ce fut le cas au plus fort de la pandémie.
Enfin, j'appelle par avance votre attention sur l'article 37 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Cet article prévoit d'ajouter une quatrième année au troisième cycle en médecine générale, afin notamment que les internes puissent réaliser un stage de « pratique ambulatoire », en priorité dans les déserts médicaux – un sujet qui suscite de très grandes attentes dans l'ensemble de nos territoires. Ce faisant, il remplace une précédente disposition qui n'avait pas trouvé à s'appliquer, faute de mesure d'application. Vous comprendrez donc que je ne souhaite pas que l'Histoire se répète. J'attends donc vos réponses !