Intervention de Fabien Gay

Réunion du 1er juin 2023 à 10h30
Importation de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux commencer en remerciant le groupe GEST de la proposition de résolution visant à interdire l'importation de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure du Xinjiang. À notre tour, sans réserve et fermement, nous condamnons les crimes de masse commis à l'encontre de cette population.

Le rapport issu de l'enquête du Haut-Commissariat aux droits de l'Homme de l'ONU présente des éléments probants : travail forcé, séparation des familles, camps de travail, application brutale et discriminatoire de la politique de contrôle des naissances jusqu'à la stérilisation forcée, torture, viols.

Il n'utilise cependant pas encore le qualificatif « génocidaire », contrairement à la résolution que nous examinons aujourd'hui. Vous connaissez nos réserves quant à l'utilisation de ce terme tant que l'ONU n'a pas statué officiellement.

Il n'en reste pas moins que ce rapport et les nombreuses enquêtes journalistiques suffisent à conforter notre condamnation de la répression de masse conduite à l'encontre de la population ouïghoure. Nous appelons d'ailleurs la Chine à permettre une enquête indépendante sur son territoire au plus vite.

Si ces crimes sont à examiner dans le cadre de l'ONU, les États ne doivent pas pour autant rester silencieux. Cette résolution s'attaque à un volet qui peut être décliné aux échelonx tant national qu'européen : l'interdiction de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure en Chine.

Mes chers collègues, dans la fraternité humaine et la solidarité, il ne peut y avoir ni tri ni deux poids, deux mesures. Notre groupe, comme toujours, condamne toutes les oppressions, violences ou crimes commis contre un peuple ou une minorité : non seulement les exactions commises à l'encontre des populations ouïghoures, mais aussi celles qui sont infligées aux Palestiniens par la colonisation israélienne, aux Sahraouis, toujours niés par le pouvoir marocain, au peuple cubain, qui subit un blocus américain insupportable, aux Rohingyas, victimes de persécutions en Birmanie. Nous condamnons enfin le régime dictatorial en Corée du Nord et l'invasion de l'Ukraine par la Russie de Poutine.

Si nous partageons l'objectif de la présente résolution, à savoir interdire l'importation des produits issus du travail forcé, nous ne comprenons pas la demande de révision du projet de règlement européen pour réduire son objet au seul cas des Ouïghours, alors que, sans être parfait, il a actuellement un champ d'application potentiellement plus large.

De plus, la référence à la résolution américaine promulguée par Biden en 2021, dans la foulée des sanctions de Trump, est problématique. Les décisions états-uniennes s'inscrivent dans une logique de guerre économique bien éloignée des droits humains, qu'ils ne se privent pas de fouler en bien d'autres occasions, partout sur la planète, et notamment au Moyen-Orient.

La lutte contre le travail forcé ne doit ni connaître de frontières ni devenir l'instrument à géométrie variable des guerres économiques.

Le travail forcé n'advient pas uniquement dans les camps du Xinjiang. D'après les chiffres de l'OIT, il concerne plus 27 millions de personnes, hommes, femmes et enfants, sur la planète.

Par ailleurs, trop de populations sont exploitées pour des salaires de misère, qui ne suffisent pas à vivre dignement. Ainsi, 50 millions de personnes vivent dans des situations d'esclavage moderne. Aucune région du monde n'est épargnée. L'Asie et le Pacifique comptent plus de la moitié du total mondial, avec 15 millions de travailleurs forcés, mais l'Europe et l'Asie centrale ne sont pas en reste, avec près de 4 millions, et 3, 8 millions de personnes sont concernées en Afrique.

Depuis 2017, la situation mondiale se dégrade. La pandémie de covid-19, les conflits armés, le changement climatique, les atteintes graves aux droits humains exposent les populations au risque d'exploitation débridée.

Surtout, il ne faut pas oublier que trop de multinationales s'en rendent coupables. Attirées par la logique du profit maximal, elles trouvent leur compte dans les États autoritaires et dans le moins-disant social et environnemental. Dénonçons dès lors toutes les situations de travail forcé, qui font système dans un monde ravagé par l'argent-roi et qui apparaissent avec les traités de libre-échange inspirés par nos logiques commerciales.

Dénonçons à raison ce qui se passe non seulement en Chine, mais aussi au Moyen-Orient, singulièrement au Qatar, ainsi que l'enfer des 40 000 enfants travaillant dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo. Interrogeons nos modes de production et de consommation, socialement et écologiquement irresponsables.

Pour lutter efficacement contre le fléau du travail forcé, exigeons des certifications des entreprises sur leurs chaînes d'approvisionnement. Des secteurs sont cités avec insistance dans le rapport de l'OIT : agriculture, mines, industrie manufacturière ou construction.

Mes chers collègues, même si nous avons une divergence sur l'évolution restrictive du règlement européen, qui en réduirait la portée potentiellement universelle, le groupe CRCE, à l'exception de deux de ses membres, votera en faveur de cette proposition de résolution. §

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