Intervention de Sophie Primas

Réunion du 7 juin 2023 à 15h00
Indices locatifs — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, trop, c'est trop ! À la tribune ce soir, je veux pousser un véritable « coup de gueule » – pardon, monsieur le président, pour cette expression –, en réaction au mépris du Gouvernement pour le Sénat, pour le secteur du logement et pour le pouvoir d'achat des Français.

Oui, les conditions d'examen de cette proposition de loi manifestent un mépris du Parlement en général et du Sénat en particulier.

L'urgence décrétée pour examiner ce texte en deux semaines ne s'explique que par l'impréparation du Gouvernement. Mais peut-être est-elle le fruit de désaccords plus profonds entre ministères – le poison du « en même temps » ?

Nous connaissions tous les dates de fin des dispositifs votés l'année dernière. Il n'y avait donc aucune raison d'examiner dans la précipitation un texte que le Gouvernement aurait dû déposer en janvier. Le Gouvernement prend le Sénat pour une chambre d'enregistrement.

Où est l'étude d'impact ? Nulle part.

Où est l'évaluation des mesures prises l'été dernier ? Nulle part.

De combien les loyers et les valeurs locatives commerciales ont-ils effectivement augmenté ? Mystère.

Quels sont les coûts et les conséquences pour les propriétaires privés et pour les bailleurs sociaux ? Aucune idée.

Mes chers collègues, on nous demande aujourd'hui de voter non seulement à la sauvette, mais aussi à l'aveuglette !

Ce texte manifeste également une forme de mépris à l'égard du secteur du logement et de tous ses acteurs. Il n'a fait l'objet d'aucune concertation, et la plupart des acteurs ont été mis devant le fait accompli. Mais après tout, quoi de surprenant, puisque réunir plusieurs centaines d'acteurs du secteur, pendant plusieurs mois, au sein du Conseil national de la refondation, n'aura finalement servi à rien, ou à si peu de choses ! Pas même à les informer de cette proposition de loi en forme de faux-nez…

Prolonger le plafonnement des indices locatifs en urgence ne fait pas une politique du logement construite et cohérente de long terme.

Le discours de la Première ministre lundi soir a montré que le Gouvernement prenait la crise du logement à la légère ; je le dis avec gravité.

Quelque 18 % ! Tel est, monsieur le ministre, le taux d'augmentation du nombre de demandeurs de logements sociaux depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée. Voilà le résultat de la politique du logement conduite depuis 2017.

Le CNR Logement est un véritable rendez-vous manqué. De l'avis général, ses conclusions témoignent d'une incompréhension totale des investisseurs, publics ou privés, petits et grands, trop taxés, sans visibilité, sans stabilité, sans respect des engagements ; des entreprises, qui s'inquiètent à juste titre du devenir d'Action Logement pour leurs salariés ; des élus locaux, auxquels on ne donne plus les moyens d'accueillir les nouveaux habitants ; des territoires, qui font face à des injonctions contradictoires, dont une politique intégriste et sans aucune vision prospective du ZAN.

Le logement est le premier poste de dépenses des Français et leur premier sujet de préoccupation, mais c'est aussi le premier poste d'économies budgétaires et la dernière des priorités pour le Gouvernement. Voilà la réalité.

Pourtant, des mesures structurelles pour relancer la construction et débloquer le parcours résidentiel étaient possibles.

Je pense par exemple au soutien aux maires bâtisseurs. Depuis la suppression de la taxe d'habitation, les maires n'ont plus de recettes fiscales dynamiques et pérennes leur garantissant une augmentation de leurs ressources, en lien avec la croissance de la population et les constructions nouvelles. Et vous vous étonnez qu'ils soient plus frileux à construire !

Il est nécessaire d'aller bien au-delà d'une prime au permis ou d'une compensation partielle et temporaire de l'exonération de taxe foncière dont bénéficient les logements sociaux, arrachée de haute lutte au Premier ministre Jean Castex, au Sénat.

Surtout, nous devons leur rendre le pouvoir d'attribution des logements sociaux, car nos maires n'en peuvent plus de devoir construire sous contrainte et de ne pas pouvoir donner satisfaction à leurs propres administrés !

Autre piste que vous auriez pu explorer : la suppression de tout ou partie de la réduction de loyer de solidarité, qui pèse 1, 3 milliard d'euros par an sur les capacités d'investissement des bailleurs sociaux, alors que vous leur demandez de construire, de rénover, de mettre en œuvre les politiques publiques et d'accompagner les populations en difficulté. Monsieur le ministre, on en fait des choses avec 1, 3 milliard d'euros !

Vous auriez également pu soutenir l'investissement locatif. Le Gouvernement annonce la fin du dispositif Pinel ? Très bien. Mais il ne le remplace par rien. Depuis de nombreuses années, un statut du bailleur privé est pourtant proposé et attendu par de nombreux acteurs, afin de reconnaître l'utilité sociale d'investisseurs qui ne sont ni des rentiers ni des Thénardier.

Enfin, vous auriez pu débloquer le parcours résidentiel, plus particulièrement l'accès à la propriété, ce fameux « rêve français », qui n'est peut-être pas le vôtre, mais qui est légitime pour des milliers de nos compatriotes. Leur dénier ce droit revient à les condamner à une forme de déclassement.

Quant au pouvoir d'achat, ainsi que l'a dit Mme le rapporteur, à la différence du texte voté l'année dernière, vous n'offrez aucune garantie pour les plus modestes. Quelle sera l'augmentation des APL dans le prochain projet de loi de finances (PLF) ? Quelle sera l'augmentation du forfait pour charges ? Mystère.

En rejetant ce texte et en soutenant la question préalable déposée par la commission, le groupe Les Républicains ne souhaite pas s'opposer à une solution pour nos concitoyens et nos PME, solution qui sera vraisemblablement adoptée à l'Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, nous souhaitons crier notre colère avec force et conviction et dire notre totale opposition à l'ensemble de la politique du logement méticuleusement déconstruite depuis 2017.

Ce texte est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Bien sûr, nous comprenons le souhait d'autres groupes politiques de débattre, donc de ne pas voter cette question préalable ; leur position est tout à fait respectable.

Toutefois, pour le groupe Les Républicains, il s'agit ce soir de renverser la table.

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