Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 7 juin 2023 à 15h00
Indices locatifs — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteure, mes chers collègues, il s'agit là d'un sujet extrêmement important, qui soulève deux problèmes, sur le fond – les dépenses de logement des Français – et sur la forme – le respect des institutions démocratiques.

Sur ce point, Mme Dominique Estrosi Sassone l'a dit, nous ressentons, particulièrement au sein de cette assemblée, un mépris profond à l'encontre du Parlement. Le sentiment de l'impréparation des politiques publiques ne manque pas non plus de nous alarmer : nous aurions escompté qu'un tel débat portant sur l'IRL soit préparé en amont.

Le mépris du Parlement semble désormais chronique, comme en témoigne le non-vote du projet de loi sur les retraites à l'Assemblée nationale, qui en est le dernier avatar.

Sur le fond, les dépenses de logement des Français ont décroché depuis nombre d'années au regard de l'évolution de leurs revenus. C'est un élément déterminant de la chute de leur pouvoir d'achat, en plus de la question du niveau des rémunérations et des salaires. Ce décrochage est d'ailleurs plus fort en France que dans la plupart des autres pays de l'Union européenne.

Nous avons déjà souligné l'an dernier qu'un taux d'IRL à 3, 5 % ne réduirait pas l'augmentation continue de la part des dépenses de logement des Français, qui est désormais confirmée.

Premièrement, la plupart des salaires n'ont pas augmenté de 3, 5 %. Même si l'évolution s'en rapproche en moyenne, un ensemble de catégories n'est pas concerné.

Deuxièmement, dans la plupart des agglomérations, le taux des rotations de logement – la hausse du loyer est très forte dès que l'on change de logement – entraîne une augmentation des loyers de 7 % à 8 %.

Troisièmement, la quittance comprend non seulement le loyer, mais également les charges locatives, qui pèsent lourdement. Or le bouclier n'a pas supprimé les hausses de charges, qui empirent cette année, en raison de la suppression du tarif réglementé pour le gaz et de celle du bouclier tarifaire.

C'est pourquoi notre groupe plaide pour un gel des loyers durant quelques années. Cette stratégie ne peut être pérenne, je l'entends. Mais, selon nous, la plupart des propriétaires peuvent l'absorber, car les hausses de loyers ont décroché au regard de l'évolution générale des revenus. De plus, c'est pour le logement social qu'il y a besoin de mesures compensatoires.

En effet, les propriétaires de logements privés ont souscrit, pour les acquérir ou pour les rénover, des prêts dont les taux d'intérêt étaient fixes et bas, alors que ceux qui ont été souscrits par les bailleurs sociaux sont indexés au livret A. Aussi, la hausse des taux de ce livret plombe lourdement leurs comptes. Ils ne peuvent pas absorber une baisse de la rémunération des loyers et une hausse du taux du livret A : il leur faut une compensation !

Par ailleurs, nous considérons que le sujet du prix du logement est essentiel. Sur ce point, je ne comprends pas la position de la majorité relative présidentielle…

D'un côté, M. le député Descrozaille explique que, puisque l'on ne peut pas baisser fortement le prix de l'alimentation – au regard de la rémunération de nos agriculteurs, cela se comprend aisément –, il faut jouer sur la baisse des dépenses de logement.

D'un autre, vous ne prenez aucune mesure visant à baisser les dépenses de logement, ni dans ce texte sur l'IRL ni dans aucune des décisions annoncées hier lors du CNR logement, monsieur le ministre.

Il n'y a en effet ni mesures de régulation des prix du foncier ni extension de la régulation des loyers – au passage, les loyers des communes où s'appliquent les règles relatives à l'encadrement des loyers ont très faiblement augmenté –, non plus que de mesures d'aides à la pierre ou au logement ! L'actualisation des APL, fût-elle de 3, 5 %, ne prend pas en compte l'augmentation des coûts de charge.

Mme Dominique Estrosi Sassone a montré à juste titre que l'on ne pouvait prétendre qu'un taux de 3, 5 % est suffisant pour les APL, alors que le forfait de charges n'est pas fortement revalorisé.

En réalité, votre politique aura pour effet d'accroître les dépenses de logement de Français, de plomber leur pouvoir d'achat et de durcir des conditions sociales souvent insupportables.

Le Président de la République dit qu'il veut être attentif aux classes populaires, qui ne bénéficieraient pas d'aides sociales comme les autres. Eh bien, je lui réponds que ces populations seront percutées par l'absence de prise en compte de la hausse des dépenses de logement !

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