Intervention de Colette Mélot

Réunion du 7 juin 2023 à 15h00
Indices locatifs — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu moins d'un an, le 29 juillet dernier, dans cet hémicycle, nous adoptions le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Il s'agissait de protéger les Français, ménages et professionnels, face au choc inflationniste qui frappait notre pays. Parmi les différentes mesures adoptées, l'une d'entre elles consistait à plafonner à 3, 5 % la revalorisation annuelle des indices locatifs, dits « IRL » pour les particuliers et « ILC » pour les commerçants.

Pourquoi avoir attendu le début du mois de juin pour proposer la prorogation d'un dispositif qui arrivera à son terme à la fin du mois ? On peut tout de même se poser la question, même si, je l'admets, ce n'est pas vraiment ce qui doit nous préoccuper cette après-midi.

Ce qui doit nous préoccuper, c'est l'objet de cette proposition de loi, qui vise à prolonger d'une année, soit jusqu'au premier trimestre 2024, le dispositif de plafonnement à 3, 5 % des indices locatifs dans l'Hexagone et à 2, 5 % outre-mer. Rappelons que, sans ce dispositif, cette revalorisation serait aujourd'hui de plus de 6 %.

J'ai bien entendu certains collègues, d'un côté de l'hémicycle, critiquer cette proposition de loi, en considérant qu'elle ne va pas assez loin. Ils diront que, même plafonnée à 3, 5 %, une hausse de l'IRL qui s'ajoute à celle des prix au supermarché, à la pompe à essence ou à celle de l'énergie reste difficilement surmontable pour les ménages les plus fragiles.

Ils diront aussi que certains petits commerçants et artisans ne pourront faire face à une hausse de leur loyer qui viendra se conjuguer à celle de l'énergie, des matières premières et à la baisse des commandes. En cela, ils auront raison : beaucoup sont effectivement déjà pris à la gorge, avant même toute éventuelle revalorisation du montant de leur loyer.

Faudrait-il ne rien faire et laisser les loyers exploser pour noyer complètement ceux qui parvenaient tout juste à maintenir la tête hors de l'eau ? Bien sûr que non !

Geler totalement les loyers et pénaliser l'intégralité des propriétaires ? Non plus, car, parmi les propriétaires, il y a aussi la femme retraitée, veuve, qui perçoit une petite pension et pour laquelle le loyer est un complément de revenus essentiel. Et parmi les locataires, il y a aussi le jeune couple qui ne veut pas, ou ne peut pas, contracter un prêt immobilier.

Il faut le dire, sans provocation : tous les locataires ne sont pas à plaindre et tous les propriétaires ne sont pas à envier. Évitons les caricatures qui opposent le locataire pauvre au propriétaire nanti, car, dans chacune de ces deux catégories, certains éprouvent exactement les mêmes difficultés à régler leurs charges à la fin du mois, voire bien plus tôt.

Certains propriétaires, comme certains locataires ou certains commerçants, font face à une augmentation des charges de copropriété, de la taxe foncière et des travaux de rénovation énergétique dont beaucoup devront s'acquitter et que les aides de l'État ne couvrent pas intégralement.

Cette proposition de loi nous semble ainsi être une mesure d'équilibre, d'effort réparti : elle protège les ménages et les commerçants d'une hausse brutale de leur loyer, sans pénaliser lourdement les propriétaires.

Souvenons-nous que ce dispositif de plafonnement des indices locatifs est issu d'une loi intitulée « mesures d'urgence pour le pouvoir d'achat ».

S'il peut représenter une solution de court terme, voire de moyen terme en l'espèce, visant à contenir la spirale inflationniste et à préserver le pouvoir d'achat des Français, il n'a pas vocation à perdurer au-delà de 2024, au risque de pénaliser gravement les propriétaires et les bailleurs dans un pays qui connaît déjà une crise du logement – contre laquelle ce dispositif ne permettra pas d'ailleurs de lutter.

La France connaît des problèmes structurels de logement, sur lesquels l'ensemble des acteurs, constructeurs, promoteurs, bailleurs et collectivités locales alertent depuis des années. Il faudrait construire entre 400 000 et 500 000 logements par an. Force est de constater que le compte n'y est pas.

Le Gouvernement partage ce constat : il a dévoilé ce lundi un plan contre la crise du logement. Les difficultés se sont nettement aggravées depuis la hausse des coûts des matériaux et celles des taux d'intérêt, qui rendent de plus en plus difficile l'accès au crédit immobilier pour nombre de Français.

Dans sa très grande majorité, conformément à son ADN, notre groupe votera contre la question préalable et pour cette proposition de loi de transition.

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