Quoi qu'il en soit, nous avons aujourd'hui dans notre pays 23 000 secrétaires de mairie, mais 1 900 postes sont vacants et plus de 30 % de ces personnes partiront à la retraite d'ici à la fin de la décennie.
Le poste de secrétaire de mairie est unique par sa responsabilité. J'ai eu l'occasion, dans mon département, de connaître la douleur d'une secrétaire de mairie et de son maire quand le plan local d'urbanisme de leur commune, qui était en voie de finalisation, a fait l'objet d'un recours victorieux parce que la secrétaire de mairie n'avait pas pu envoyer le fameux document officiel à la date prévue : il y avait un retard de 24 heures !
La responsabilité est donc énorme ; comme quelqu'un parmi nous l'a dit avant moi, les secrétaires de mairie sont des fabricants de possible quand les maires sont des inventeurs de possible. Or si nous n'avons plus de secrétaires de mairie, monsieur le ministre, nous n'aurons plus de maires ! Il faut donc savoir attirer ces secrétaires de mairie, les former et les accompagner, parce qu'elles travaillent souvent dans une grande solitude. Il faut aussi savoir leur offrir de la reconnaissance.
Quand nous parlons des secrétaires de mairie, nous parlons des communes et des maires. Nous ne cessons, ici comme ailleurs de déplorer le désenchantement des maires, de nous en attrister : nous compatissons, nous saluons, nous rendons hommage, c'est encore heureux, mais cela ne suffit pas ! Or ce désenchantement des maires, s'il est dû à plusieurs causes, découle notamment de ce qu'ils font trop souvent face à une complexité énorme sans recevoir l'appui d'une secrétaire de mairie, qui est une sorte de couteau suisse. On doit donc considérer ce métier dans sa particularité.
Pour ma part, je suis déconcertée par l'usage qui est fait de l'article 40 et je veux, si je puis dire, faire un billet d'humeur à son sujet. Cet article de notre Constitution exprime un principe de précaution : nous n'allons pas encourager les maires à engager des dépenses, nous essayons d'être vertueux. Seulement, cette norme de précaution est aujourd'hui transformée en objectif. Dès lors, à cause de l'article 40, on ne pourrait pas permettre à un maire de faire passer sa secrétaire de mairie de la catégorie B à la catégorie A. Cela coûterait, pour un emploi à temps complet, 1 800 euros par mois. S'ajoutent d'autres verrous : le principe de libre administration des collectivités et celui d'équilibre du budget de fonctionnement. Sincèrement, je pense que, en nous montrant incapables de surmonter, tous ensemble, le carcan d'une norme qui devient contre-productive, nous ne servons ni l'intérêt public ni l'efficacité de l'action publique : c'est inexplicable auprès des élus locaux !
Monsieur le ministre, vous avez entendu le soutien unanime, la polyphonie extrêmement positive, le travail rigoureux accompli par tout le monde. Pour ma part, je ne sous-estime pas votre bonne foi ni votre volonté, je les reconnais, mais il faut vraiment conclure et avancer sur ce sujet. Monsieur le ministre, il faut parfois être disruptif et se dégager des carcans normatifs ! En la matière, je pense que le statut de la fonction publique est trop normatif pour être équitable.