Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier le Sénat de se saisir de ce sujet. Je suis intimement convaincue que la commune demeure un échelon vital, tant pour la démocratie locale que pour la mise en œuvre de l'action publique.
Malgré les nombreuses difficultés traversées par les maires et leurs communes, il faut rappeler cette réalité incontournable : l'échelon communal fait l'objet d'un attachement fort de nos concitoyens et reste l'échelon de proximité par excellence.
Je ne peux que reprendre à mon compte le mot de Tocqueville : « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l'usage paisible et l'habituent à s'en servir. »
Je ne cite pas Tocqueville par coquetterie. Ses mots sont profondément vrais : il y a un lien évident entre l'institution municipale et la construction de la République, car c'est dans la commune que les Français ont appris la citoyenneté et la liberté politique, qui sont au fondement de notre pacte démocratique.
C'est d'ailleurs sans doute un facteur d'explication du double malaise actuel, celui des maires et celui des citoyens. Nos collègues élus se sentent dépossédés de leur capacité à influer sur le destin de la commune et de ses administrés. Nos concitoyens perçoivent, même confusément, ce sentiment de dépossession et ne sont plus sûrs de voir l'utilité de voter et de s'investir dans la vie communale.
Or, dans un contexte politique marqué par de nombreuses crises, il est important que nous puissions nous appuyer sur des communes solides. Les maires demeurent les acteurs publics les mieux identifiés au niveau local. Les Français les connaissent, leur font confiance et savent pouvoir compter sur eux.
La commune demeure aussi, au sein de l'architecture institutionnelle et pour les citoyens, l'échelon de proximité. Elle incarne un service public de proximité répondant à une forte demande sociale. Elle bénéficie de la clause de compétence générale lui permettant de régler par délibération toutes les affaires relevant de son niveau, sous réserve qu'elles ne soient pas attribuées à l'État ou à un autre échelon.
Cela explique que les attentes à l'égard des communes soient fortes, alors que les élus s'estiment bien souvent insuffisamment armés pour y répondre, du fait de diverses évolutions, notamment le renforcement de l'intercommunalité et l'augmentation de la technicité de certaines compétences.
C'est le hiatus entre ces attentes fortes et les moyens réels des communes que nous avons à résoudre ensemble pour apaiser le malaise de nos collègues élus.
Les communes ont besoin qu'on leur fasse confiance et qu'on les soutienne. C'est pourquoi, et je pèse mes mots, nous devons faire confiance à nos communes et à nos maires, et c'est ce que nous faisons !
Pour toutes les raisons que je viens d'exposer, les communes ont beaucoup à apporter à l'action publique et à notre vie démocratique : proximité, subsidiarité, efficacité, initiative, projet, autant de mots que l'époque a sans doute galvaudés, mais qui témoignent bien du fait que la commune est l'échelon du faire et du bien faire.
Il faut que nous capitalisions là-dessus, parce que c'est ce que nos concitoyens attendent : proximité et efficacité. Il faut donc laisser les collectivités prendre l'initiative, faire des choix, organiser la vie et les services publics locaux pour répondre au mieux aux besoins quotidiens du pays.
De son côté, l'État doit consolider le rôle de la commune et du maire.
En matière institutionnelle, je citerai deux exemples concrets qui sont au cœur de l'action du Gouvernement et que je me dois de vous rappeler.
Le premier a trait au développement d'un véritable pouvoir réglementaire local.
Pour que le maire dispose dans certains domaines d'un véritable levier juridique, la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite 3DS, a consacré le pouvoir réglementaire dont disposent les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les communes, pour l'exercice de leurs compétences. Le législateur doit maintenant s'en saisir pour que ce pouvoir soit mis en œuvre plus souvent.
Le second concerne l'encouragement d'une décentralisation différenciée.
Les règles d'exercice des compétences locales et les architectures institutionnelles doivent pouvoir être différentes en fonction des territoires. Nous devons adapter notre organisation au terrain, et pas l'inverse.
Je crois également que, face à la complexité croissante des politiques publiques dont les communes sont chargées, l'État a un rôle primordial à jouer d'accompagnateur et de facilitateur.
Les efforts que nous faisons, et que nous amplifierons dans les mois à venir, sont significatifs : je pense au renforcement du réseau préfectoral, à l'accompagnement financier renforcé par le fonds vert, à la création d'un guichet unique de l'ingénierie avec le renforcement des capacités de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et à un travail que nous avons largement entamé, mais qui mérite d'être poursuivi ensemble, celui de la simplification des normes.
Je veux particulièrement insister sur le soutien que nous devons aux maires, lorsqu'ils sont victimes de menaces ou de violences – j'en ai déjà parlé plusieurs fois dans cet hémicycle. Le 17 mai dernier, j'ai d'ailleurs indiqué que le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, et moi-même serions intraitables envers les auteurs de ces violences et que la peur devait changer de camp.
Le déploiement du « pack sécurité » constitue une première réponse qui sera amplifiée en lien avec les initiatives prises par les parlementaires et les associations d'élus, que je salue.
Toutefois, les voies et moyens du soutien apporté aux communes et aux maires ne sont pas figés. Nous sommes particulièrement disposés à les conforter en lien avec le Parlement et les élus locaux, car nous pensons qu'il s'agit en réalité d'une question de démocratie locale.
Nous menons d'ailleurs avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité une démarche transversale sur les conditions d'exercice des mandats locaux, qui aura vocation à identifier des pistes pour renforcer ce soutien.
Nous devons aussi tracer ensemble les grandes lignes de l'avenir de la commune pour le consolider. Nous devons soutenir les maires et pérenniser le modèle communal, tel qu'il nous a été légué par deux siècles de République.
Mais le débat que vous avez ouvert nous offre aussi l'occasion de nous interroger sur les évolutions et les changements à opérer afin de garantir l'avenir de la commune.
Cet exercice sera nécessairement riche. Toutefois, trois sujets qui me semblent contribuer à cette réflexion peuvent déjà être évoqués.
Tout d'abord, comment favoriser encore davantage la coopération et la solidarité entre les communes, tout en respectant la liberté de chacune ? De quels moyens disposons-nous ? La coopération intercommunale a permis la mise en commun de projets, de compétences et de moyens au service d'une vision partagée du territoire. Elle a ancré la coopération dans la décentralisation. Nous avons créé de nouveaux outils pour renforcer ce mouvement ces dernières années. Ce champ est à explorer, parce que les communes en sortiront fortifiées.
Ensuite, je souhaite offrir aux communes plus de visibilité sur leurs ressources de fonctionnement comme d'investissement ; nous y travaillons avec les associations d'élus. Cela me semble indispensable pour permettre à l'action publique locale de se développer et pour apporter des réponses durables aux besoins des Français.
Enfin, nous devons ensemble responsabiliser nos concitoyens. Le modèle de l'électeur consommateur qui vote et qui attend ensuite tout de l'élu sans plus rien lui apporter, ni encouragement ni soutien, n'est plus viable.
Nous devons trouver ensemble le moyen de mobiliser les Français pour qu'ils soutiennent leurs élus, qu'ils fassent corps avec eux et qu'ils les accompagnent dans l'exercice de leur charge.