Intervention de Olivier Klein

Réunion du 7 juin 2023 à 15h00
Indices locatifs — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi

Olivier Klein  :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a près d’un an, dans cet hémicycle, la majorité d’entre vous était d’accord pour voter des mesures tendant à minimiser les effets d’une inflation que nous savions croissante.

Je pense au bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie, à la revalorisation des aides personnelles au logement (APL), à la hausse des minima sociaux, et, bien sûr – sujet qui nous occupe aujourd’hui –, à l’indice de référence des loyers (IRL) et au plafonnement de l’indice des loyers commerciaux (ILC).

Je m’arrête brièvement sur le sujet du commerce, car, je m’en souviens, c’est précisément sur l’initiative des parlementaires de cette chambre que ce premier dispositif a été introduit dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, avait rassemblé autour d’une table les représentants des commerces, des bailleurs, des foncières, ainsi que les parlementaires, pour parvenir à un accord essentiel pour nos commerçants de proximité.

Ainsi, en fixant à 3, 5 % la hausse de ces loyers pour les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), nous avons apporté un précieux bol d’air aux 430 000 petits commerces en France qui ont souscrit des baux commerciaux pour exploiter leur activité, ainsi que, par conséquent, à leurs clients, qui ont été préservés de la hausse des prix qui s’en serait ensuivie.

Sans ce plafonnement, l’indice de référence des loyers se serait établi à 6, 26 % sur un an. Ainsi, à la faveur de cette mesure, la hausse de l’IRL a été quasiment divisée par deux.

Désormais, l’enjeu est de ne pas relâcher nos efforts, me semble-t-il. Dans les dernières projections, la hausse de l’indice est encore élevée ; sans doute le demeurera-t-elle dans les prochains mois. Voilà pourquoi la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui revêt une grande importance.

Oui, nous avons encore besoin de protéger nos petits commerces ! Nous devons les protéger en prolongeant un dispositif équilibré dans son périmètre, dans sa durée et dans son intensité. J’insiste sur ces termes, car, s’agissant d’une dérogation aux principes constitutionnels de la liberté et de la stabilité contractuelles, nous redoublons de prudence.

C’est la raison pour laquelle nous rétorquons à ceux qui nous reprochent une impréparation que nous avons agi avec mesure. En effet, une trop grande anticipation des prévisions d’inflation nous plaçait inévitablement dans une situation de fragilité juridique.

Il n’est jamais neutre que l’État intervienne dans les relations contractuelles privées.

C’est pourquoi, au travers de la proposition de loi, nous avons pris garde à cibler les commerçants les plus exposés, à savoir les TPE et les PME, c’est-à-dire les entreprises qui ont les marges les plus faibles et le moins de latitude dans leurs négociations avec les bailleurs, en particulier avec les foncières. Nous avons également veillé à borner cette intervention dans le temps, soit jusqu’au premier trimestre 2024, quand l’inflation, pour soutenue qu’elle demeure, devrait avoir nettement reflué.

Au-delà de cette mesure rapide, ponctuelle et dictée par la nécessité, comme Olivia Grégoire a eu l’occasion de le dire aux députés la semaine dernière, nous avons lancé, voilà quelques semaines, le conseil national du commerce. C’est le lieu où évoquer les mutations du commerce et les thématiques structurelles qui vont bien au-delà du problème conjoncturel de l’inflation.

Aussi, au nom de la ministre déléguée, je réitère l’invitation à participer à une concertation sur la réforme du bail commercial, qui englobera la question de l’ILC, bien sûr, mais pas uniquement. Toutes vos idées seront les bienvenues sur ce sujet crucial.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez émis des critiques sur la forme.

Tout d’abord, certains d’entre vous parlent d’impréparation ou de manque d’évaluation. Pour ma part, je remercie les députés de la majorité de s’être emparés de ce sujet. Le plafonnement de l’IRL doit être voté avant le 1er octobre 2023, j’y insiste. Il n’y avait donc pas d’urgence à présenter un texte. Nous voulions essayer de donner de la visibilité aux Françaises et aux Français, compte tenu du contexte actuel.

C’est pour cela que nous avons proposé un texte qui pouvait être adopté avant le 30 juin 2023, même s’il n’y a pas d’obligation, puisque nous avons, je le répète, jusqu’au 1er octobre. Nous pouvons tout de même espérer que la reconduction d’un dispositif tendant à protéger les locataires confrontés à une crise de grande ampleur puisse être approuvée en moins de quatre mois par le Parlement sans que ses travaux en soient empêchés…

Par ailleurs, les prévisions d’inflation ont évolué jusqu’à récemment. En mars, les prévisions pour le deuxième trimestre 2023 – nous y sommes – n’étaient pas finalisées, puisqu’elles variaient de plus ou moins 1 %, ce qui est un ordre de grandeur considérable.

Il fallait donc attendre que les prévisions soient le plus possible stabilisées pour prendre la bonne décision. Aujourd’hui, les prévisions sont de qualité, grâce à la confirmation de la stabilisation de la dynamique économique, comme l’indiquent toutes les banques centrales, qui s’apprêtent à cesser de remonter leurs taux d’intérêt.

J’en viens, enfin, à la critique relative au manque d’évaluation. Voici, sur la base de plusieurs éléments, nos évaluations : près de 490 millions d’euros seront économisés par les locataires en année pleine avec le rythme des revalorisations de loyers, si toutes les revalorisations se font selon l’IRL ; or la hausse de loyers est de près de 2 % en 2022.

Les éléments très fins d’évaluation sont difficiles à obtenir alors que la crise dure encore et que le deuxième trimestre de cette année n’est pas terminé. Plutôt que d’évaluer trop précisément, nous faisons le pari scientifique d’appliquer aux mêmes problèmes les mêmes solutions – elles ont fait leurs preuves –, à savoir la prolongation technique du dispositif déjà existant, qui a permis de limiter la hausse des loyers à 2 % en 2022.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous laisse donc justifier auprès des 430 000 commerçants la hausse des loyers qu’ils connaîtront si le plafonnement de l’ILC cesse, …

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