Intervention de Daniel Salmon

Réunion du 7 juin 2023 à 15h00
Indices locatifs — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Daniel SalmonDaniel Salmon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour discuter d’une disposition législative essentielle pour la protection des locataires et que le Gouvernement avait néanmoins oubliée, alors même que l’échéance de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat était connue depuis sa promulgation.

Le dépôt précipité de cette proposition de loi et l’urgence de son examen escamotent complètement le débat démocratique.

À l’heure où le logement représente une part majeure des dépenses des ménages, les mesures proposées dans le cadre de ce bouclier de loyer ne doivent pas être prises à la légère. Dans un contexte d’inflation généralisée, n’ajoutons surtout pas la pression de l’augmentation du loyer aux difficultés que les locataires rencontrent d’ores et déjà avec la hausse des prix de l’alimentation et de l’énergie. Le plafonnement de la hausse des indices locatifs à 3, 5 % ne répond pas aux enjeux.

Une étude récente de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) nous apprend qu’une fois les dépenses essentielles réglées, 31 % des Français se retrouvent avec moins de 100 euros sur leur compte dès le 10 du mois. De plus, de nombreux locataires ne parviennent plus à payer leur loyer dans les temps : selon l’Union sociale pour l’habitat (USH), les retards de paiement de plus de trois mois ont augmenté de 10 % en 2022. Payer son loyer est pour les ménages un défi de taille, parfois insurmontable.

Pour un loyer moyen de 723 euros, le plafonnement à 3, 5 % limiterait la hausse à 25 euros par mois. Cela représente néanmoins une somme non négligeable, notamment pour les ménages les plus précaires.

Bien sûr, ce plafond a le mérite d’exister face aux 6 %, 8 % ou 10 % de hausse que l’on nous prédit si ce texte n’était pas adopté. Mais le problème ne vient pas uniquement de l’inflation : il est bien plus profond.

On notait, à la fin de 2022, une hausse de plus de 7 % des demandeurs de logements sociaux, alors même que leur production a atteint un nouveau record à la baisse de 95 000 constructions en 2022, le niveau le plus bas depuis quinze ans.

Les chiffres sont catastrophiques : entre mai 2022 et avril 2023, quelque 431 800 autorisations de construction de logements ont été délivrées, soit 14, 3 % de moins que sur les douze mois précédents.

Malheureusement, les moyens financiers des bailleurs sociaux n’ont cessé de baisser ces dernières années – diminution des APL, hausse de la TVA applicable à la production neuve, ponction annuelle sur leur budget –, touchant de fait la construction de logements.

À titre d’exemple, le bailleur social Néotoa, présent en Bretagne, a perdu près de 22 millions d’euros sur un budget de 120 millions d’euros, pour les raisons évoquées plus tôt.

Alors que nous demandons des efforts importants, notamment en matière de rénovation énergétique, s’attaquer aux dépenses d’investissement, c’est mettre à mal toute la politique du logement pour les années à venir.

Face à ces problèmes de construction et d’aggravation de la précarité des ménages, il est de notre devoir d’aider au mieux les locataires, en abaissant le plafonnement de la hausse des indices locatifs.

Alors que les locataires ont déjà subi une hausse de 3, 5 % l’an dernier, ils pourraient connaître une nouvelle hausse équivalente si ce dispositif était adopté.

C’est pourquoi nous proposons de fixer le plafonnement à 1 %, ce qui permettrait de protéger les locataires en compensant quelque peu l’inflation pour les propriétaires, sachant que l’augmentation des charges locatives pèse totalement sur les locataires.

Encore une fois, ce bouclier de loyer ne résoudra pas la crise, qui, bien qu’elle soit aggravée par le contexte actuel, est profondément structurelle.

Il y a tout d’abord un véritable problème dans la méthode de calcul des indices locatifs. L’indice de référence des loyers est obsolète. Comment peut-on calculer le montant d’un loyer en 2023 en se fondant sur un indice dont la dernière mise à jour date de 2008 et qui ne tient pas compte de la disparité géographique ? Une révision de l’IRL est primordiale pour améliorer la situation financière des locataires.

Enfin, malgré les annonces du Gouvernement à la suite du CNR Logement, sans trop de surprises, la montagne a encore accouché d’une souris. On ne résoudra jamais cette crise avec des mesurettes et en poursuivant ce désengagement de l’État que vous essayez de faire passer pour un big-bang en faveur du logement.

Les mesures ne sont pas là. Les moyens encore moins.

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