Intervention de Viviane Artigalas

Réunion du 7 juin 2023 à 15h00
Indices locatifs — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Viviane ArtigalasViviane Artigalas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les effets de l’inflation se font sentir depuis février 2022 et n’épargnent aucun secteur. Ils imposent à nombre de familles d’arbitrer entre différents postes de dépenses. Parmi ces derniers, un secteur ne devrait être assujetti à aucune restriction : celui du logement, alors que les difficultés pour accéder à ce droit fondamental et s’y maintenir s’aggravent.

Les charges associées au logement grèvent fortement les dépenses des ménages. Elles peuvent constituer jusqu’à 36 % de leur budget mensuel pour les locataires du parc social et dépasser les 40 % pour les locataires du parc privé.

C’est pourquoi la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat avait prévu un plafonnement à 3, 5 % de l’indice des loyers commerciaux pour les PME et les TPE et de l’IRL pour les ménages.

Or la date d’expiration de cette mesure est dans moins d’un mois. Face à l’imminence de cette échéance, le Gouvernement a formulé, une fois de plus en urgence, la proposition de loi que nous devrions examiner aujourd’hui, visant à maintenir ce dispositif jusqu’au premier trimestre 2024.

En optant pour une proposition de loi, le Gouvernement nous prive de toute concertation préalable, de toute évaluation de la situation du pouvoir d’achat des Français, de toute étude d’impact concernant les répercussions financières du texte pour les bailleurs, privés et sociaux.

Certes, le maintien de ce dispositif de plafonnement se veut équilibré, en faisant contribuer propriétaires et locataires, mais nous déplorons l’absence de mesures compensatoires pour les bailleurs.

Le plafonnement des indices locatifs constitue pourtant une pression financière additionnelle sur leur budget, alors que leur capacité d’action est déjà entravée par la multiplication par plus de trois des taux d’emprunt, indexés sur la rémunération du livret A, ainsi que par la diminution du loyer de solidarité, qui représente pour eux une perte annuelle de 1, 3 milliard d’euros.

Lors de l’examen de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, il y a moins d’un an, nous avions sollicité un suivi de l’impact de cette mesure de plafonnement sur les familles des locataires et sur les impayés de loyer, ainsi que, si nécessaire, la mise en place d’une clause de rendez-vous.

L’évolution du coût du logement était prévisible. Son augmentation devait être anticipée et maîtrisée. Cela n’a pas été le cas. Nous avons exposé tous les manques entourant l’examen de ce texte et nous partageons les profondes réserves de la commission, ainsi que ses critiques quant à la méthode du Gouvernement.

Pour autant, nous ne pouvons ignorer combien les mesures proposées sont indispensables, compte tenu de l’urgence sociale induite par le contexte inflationniste. Il est de notre devoir d’assister les familles fragilisées et de soutenir nos PME et TPE en souffrance.

Les dispositions de cette proposition de loi doivent bénéficier aux ménages et aux petits commerces, mais le principal écueil de ce texte réside précisément dans cette situation d’urgence, laquelle aurait pu être évitée.

Cependant, ce texte aura eu le mérite de lever les derniers doutes quant à votre volonté politique de traiter le problème du logement en France : l’absence totale d’anticipation dont vous faites preuve est à cet égard révélatrice.

Outre qu’il ne s’est pas préparé à l’expiration du dispositif de plafonnement, le Gouvernement a-t-il, depuis juillet 2022, proposé une politique de logement adaptée aux familles modestes ? Il a peut-être manqué de réflexions sur le sujet ; notre assemblée n’a pas cessé d’être force de proposition, mais toutes nos suggestions sont restées lettre morte.

Depuis 2017, les réformes successives voulues par le Président de la République ont entraîné une diminution de 11 milliards d’euros des fonds consacrés au logement : baisse des aides personnelles au logement (APL), mise en place de la réduction de loyer de solidarité (RLS), ponction sur Action Logement et conditions d’obtention du prêt à taux zéro (PTZ) encore plus restrictives.

Preuve de votre désintérêt total pour les plus précaires, le premier texte sur le logement de ce nouveau quinquennat, la fameuse proposition de loi tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat, pénalise surtout les locataires en situation d’impayés de loyer, en les menaçant d’une amende de 7 500 euros et en accélérant les procédures d’expulsion.

Monsieur le ministre, j’attire tout particulièrement votre attention sur la situation des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). En 2022, la moitié des organismes HLM a enregistré une augmentation de plus de 10 % du nombre de loyers en retard de paiement de plus de trois mois.

Cette tendance va se confirmer en 2023. Les élus et les associations attendent de l’État un véritable plan d’urgence répondant aux enjeux économiques, écologiques et sociaux des quartiers populaires. Traiter la question du logement sous un angle uniquement comptable est une erreur qui va coûter très cher à notre cohésion sociale.

Nous ne cessons de vous alerter sur ce point, mais votre gouvernement choisit de rester sourd. Dont acte ! L’absence d’une véritable politique du logement crée toutes les conditions d’une bombe sociale. Lorsque celle-ci explosera, vous en porterez la responsabilité.

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