Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, disons-le franchement, ces deux textes ne constituent pas le grand soir de la justice. Si on peut saluer une volonté sincère, y compris en matière budgétaire, de réparer une justice qui en a bien besoin, on peut sans doute regretter que ces textes ne soient pas plus ambitieux au regard des conclusions des États généraux de la justice. Mais chaque pas est une avancée !
En ce qui concerne la magistrature, la massification du recrutement est une impérieuse nécessité. Il est primordial que nous puissions enfin avoir un nombre de magistrats et de greffiers à la hauteur des standards européens. Il y va de la qualité de notre justice, ainsi que des conditions de travail du personnel judiciaire.
En ce sens, la commission des lois a fait le choix de porter à 1 800 le nombre des nouveaux greffiers au lieu des 1 500 initialement prévus. Il s’agit là de respecter le ratio entre les magistrats et les greffiers.
En outre, toujours en matière de recrutement, dans la continuité des travaux de Laurence Harribey et Marie Mercier, nous avons souhaité poursuivre l’augmentation du nombre de postes dans les Spip.
En effet, la prévention de la récidive doit rester au cœur de la politique pénale. La punition ne peut se concevoir sans l’idée qu’un jour le condamné réintégrera le corps social. Réinsérer, c’est protéger la société.
Le projet de loi organique prévoit également d’ouvrir et de diversifier le recrutement des magistrats. C’est une nécessité si l’on veut apporter du sang neuf à l’institution et éviter l’uniformisation des parcours et des profils.
Cette logique doit se poursuivre jusque dans la formation dispensée à l’École nationale de la magistrature (ENM) qui ne doit pas craindre de se confronter au monde réel, notamment aux enjeux des entreprises ou des collectivités territoriales et des élus locaux, comme le préconisait notre collègue Françoise Gatel dans un amendement. Nous n’avons pas adopté cet amendement, mais nous savons que la directrice de l’ENM est sensible à cette ouverture sur le monde non judiciaire. Des progrès ont déjà été faits en ce sens, faisons-lui confiance !
Enfin, la responsabilité des magistrats est un sujet important de ce projet de loi organique. Le texte élargit la capacité de saisine du Conseil supérieur de la magistrature et notre commission a choisi de redéfinir la faute disciplinaire pour plus de clarté. C’était une nécessité tant l’indépendance et l’impartialité sont les deux biens les plus précieux de la magistrature.
À ce sujet, si le groupe Union Centriste a défendu un amendement visant à rappeler le principe d’impartialité dans la loi, il considère bien évidemment qu’il n’est pas question d’empêcher un syndicat de s’exprimer sur des questions d’intérêt public, ni même de confondre la fonction individuelle du magistrat avec son expression collective.
Cependant, nous tenons à inscrire dans le texte une exigence constitutionnelle : les principes d’indépendance et d’impartialité sont indissociables de l’exercice de fonctions juridictionnelles. Par ailleurs, l’exigence d’impartialité est aussi une exigence conventionnelle. L’exercice de la liberté d’expression syndicale n’est limité que pour autant que ces exigences constitutionnelle et conventionnelle d’impartialité seraient mises en cause.
Reprendre dans la loi un principe rappelé par le Conseil constitutionnel est une mesure qui devrait plutôt rassurer. L’impartialité n’est pas un gros mot.
Sur le projet de loi ordinaire, concernant le rapport annexé, je sais que certains – et certaines… – nourrissent une certaine déception de ce que les mesures préconisées dans le rapport Plan rouge VIF n’y aient pas été intégrées, en dehors de celles qui portent sur les pôles spécialisés. Le choix a été difficile, vous vous en doutez, mais nous ne souhaitions pas inclure un rapport dans le rapport…
Cela dit, j’ai bien entendu la volonté du garde des sceaux et de la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances de mettre en œuvre rapidement un grand nombre de nos propositions. Je n’ai pas de raison de douter de cet engagement.
Sur la question des ordonnances prévues à l’article 2 pour clarifier ou simplifier le code de procédure pénale, le groupe Union Centriste se réjouit du compromis trouvé par la commission. Il ne s’agit pas d’un dessaisissement du Parlement, qui conserve la mission de simplifier le code une fois que le Gouvernement aura terminé la clarification à droit constant. Cela nous paraît la meilleure solution pour fournir aux acteurs de la chaîne pénale le code de procédure pénale lisible et efficace qu’ils appellent de leurs vœux depuis longtemps.
Sur l’article 3, je pense que nous sommes arrivés à une position d’équilibre, en particulier grâce à l’amendement de Bruno Retailleau qui vise à limiter la géolocalisation par l’activation d’un appareil électronique à distance aux infractions punies d’au moins dix ans d’emprisonnement.
Monsieur le garde des sceaux, vous m’avez expliqué que dans une telle limite, ce contrôle ne pourrait s’appliquer aux proxénètes. Je vous proposerai volontiers d’alourdir les peines pour proxénétisme, car cinq ans d’emprisonnement, ce n’est pas cher payé pour de l’esclavage !