Intervention de Éric Baseilhac

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 20 juin 2023 à 14h00
Audition de M. éric Baseilhac directeur accès économie et export du leem sur la clause de sauvegarde des médicaments

Éric Baseilhac, directeur Accès, Économie et Export du Leem :

Non. En introduisant ce pourcentage de croissance, nous savions que les petites entreprises en croissance - les start-up - seraient fortement affectées, alors qu'elles représentent le modèle que nous souhaiterions promouvoir, de même que les plus grosses entreprises en croissance. Nous avons étudié tous les scénarii : au-delà de 30 %, la clé de répartition devenait particulièrement critique pour ces start-up. Il faut donc faire preuve de prudence. Il n'existe pas de clé de répartition idéale ; celle-ci a fait consensus au sein du secteur, ce qui est rare sur un sujet aussi sensible. De grâce, n'y touchons plus.

Les difficultés à calculer pour chaque entreprise la clause de sauvegarde sont en tout cas réelles. Nous avons progressé en mettant au point, par l'intermédiaire d'un tiers de confiance, un système permettant à chaque entreprise de déclarer le montant attendu de remise, sous anonymat, afin de reconstituer un outil de prévisibilité individuelle.

S'agissant de la prévisibilité, vous serez sans doute étonnés d'apprendre que les commissaires aux comptes - et plus particulièrement dans les petites entreprises - sont particulièrement favorables à l'autre instrument qu'est le plafonnement. En effet, la clause de sauvegarde ne peut pas dépasser 10 % du chiffre d'affaires de chaque entreprise. Jusqu'au dernier PLFSS, ce plafond concernait le chiffre d'affaires brut ; l'année dernière, nous avons proposé au Gouvernement un amendement, qui a été voté, pour que le plafond porte sur le chiffre d'affaires net. Cependant, cette mesure, qui a changé considérablement la donne, n'a été votée que pour un an. Ainsi, dans le cadre du prochain PLFSS, nous proposerons de la prolonger indéfiniment. C'est à la fois un instrument de sécurité, bien qu'il n'empêche pas un certain nombre d'entreprises de souffrir de l'inflation de la clause de sauvegarde, et de prévisibilité en permettant aux commissaires aux comptes d'estimer la provision maximum.

Vous m'avez interrogé sur une éventuelle suppression de la clause de sauvegarde au profit d'autres outils pour garantir une plus grande maîtrise du dynamisme des dépenses de produits de santé. Au fond, si nous schématisons ces modèles à l'extrême, nous avons le choix entre deux systèmes. Le premier, qui chercherait à réguler par le budget, est celui de la clause de sauvegarde : chaque année, il convient de voter un budget du médicament, et de récupérer 70 % de l'excédent auprès des entreprises. Dans un tel modèle, il n'y a plus même besoin de procéder à des baisses de prix. Nous avons éprouvé, par l'inflation de la clause de sauvegarde, les conséquences d'une orientation très forte de ce système : elles sont terribles, car un tel modèle empêche toute nuance dans la régulation. Or, les problématiques des entreprises pharmaceutiques sont très variables. Deux tiers des entreprises adhérentes au Leem sont des PME - contrairement à ce que l'on croit souvent, il ne s'agit pas seulement des « Big Pharma ».

De plus, la discussion de cette modulation, qui se fait actuellement produit par produit, et qui permet de prendre en compte des phénomènes industriels, de santé publique ou de relocation, ne serait plus possible dans une régulation à la hache. Or, en atteignant des montants de clause de sauvegarde tels que ceux dont nous nous approchons, nous risquons de tomber dans ce système.

À l'inverse, la suppression de la clause de sauvegarde conduirait à pousser les leviers de la régulation à leur maximum. Si nous voulions rétablir la clause de sauvegarde dans son épure initiale, en instaurant un plafond à 500 millions, par exemple, il nous faudrait augmenter le montant des baisses de prix de manière considérable. C'est donc un levier très sensible pour la viabilité économique de nombreux médicaments, notamment des produits matures.

Pour sa part, le Leem est favorable à la restauration de la clause de sauvegarde dans sa mission originelle, c'est-à-dire un système mixte, qui en fasse une réelle corde de rappel budgétaire. Ce que dénotent ces postures externes, surtout, c'est que nous faisons face à une sous-capitalisation du budget du médicament. Ce dernier souffre en réalité du syndrome de la cocotte-minute, comme l'hôpital l'a vécu : les besoins croissants ne pourront être indéfiniment contenus. Le problème est celui de la réadaptation budgétaire : les 24,6 milliards d'euros votés sont insuffisants au regard des besoins.

Que faudrait-il faire pour adapter ce budget ? Si le budget du médicament était resté équivalent à 12 % du montant de l'Ondam, nous disposerions aujourd'hui de 6 milliards supplémentaires. Il faut donc se demander comment rétablir cette adéquation. Nous avons soumis plusieurs pistes de recommandations à la mission. D'abord, il faut envisager la question sous l'angle des poches externes de croissance. Il pourrait aussi être utile d'engager une réflexion autour des médicaments de prescription médicale facultative. Sans parler de déremboursement - je sais combien le sujet est sensible -, il faut noter que la France affiche un taux de prescription médicale facultative très faible par rapport à ses voisins. Cependant, nous pourrions optimiser encore la liste des produits concernés.

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