Intervention de Éric Baseilhac

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 20 juin 2023 à 14h00
Audition de M. éric Baseilhac directeur accès économie et export du leem sur la clause de sauvegarde des médicaments

Éric Baseilhac, directeur Accès, Économie et Export du Leem :

Les deux tiers des adhérents du Leem, qui représente 99 % du secteur exerçant en France, sont en effet des PME. La clause de sauvegarde joue le rôle d'un rouleau compresseur, chargé de faire passer une croissance tendancielle du marché, évoluant ces dernières années à 9 ou 10 %, à une épure de l'ordre de 2 à 3 %. C'est cette pression de régulation qui est particulièrement douloureuse, et ce d'autant plus pour les petites entreprises, pour lesquelles elle se traduit par une disparition de leurs marges. Certaines start-up sont ainsi arrêtées en plein démarrage ; de petites entreprises de produits matures - et pourtant, comme vous le soulignez, essentiels - peuvent également être mises à l'arrêt ou poussées à la délocalisation lorsque les marges sont trop réduites. Les « Big Pharma », quant à elles, bénéficient d'une richesse de portefeuille et d'une dimension internationale qui leur permettent de compenser ces effets. Pourtant, la France n'est plus un pays contributeur à ces bénéfices : ainsi, la pression de la régulation engendre une perte de compétitivité et d'attractivité.

Nous avons sans doute insuffisamment expliqué l'hétérogénéité du tissu pharmaceutique. Ainsi, les conséquences devraient être examinées de manière plus nuancée. Si elles sont, dans tous les cas, délétères, c'est sous l'effet de différents mécanismes.

À titre personnel, j'adhère à l'idée selon laquelle le médicament est un bien universel, tout comme la santé, inscrite dans la déclaration de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1948 comme un Droit de l'Homme. Aujourd'hui, le médicament est sans doute l'objet qui contribue le plus à l'amélioration de la santé. Comment, dès lors, ne pas inférer qu'il est aussi un Droit de l'Homme ? Cela nous oblige en matière d'universalité d'accès : j'y vois l'un des leviers d'action de l'industrie pharmaceutique dans les années à venir.

Toutefois, pour être un bien universel, le médicament doit d'abord exister sur un marché, et être produit, de préférence localement, afin de répondre aux enjeux de souveraineté pharmaceutique - en France, ou en Europe, qui est l'échelle géopolitique la plus pertinente en la matière. Notre souci est donc le suivant : la régulation économique doit permettre au bien universel qu'est le médicament d'être produit.

Par ailleurs, comment parler du budget du médicament sans évoquer le sujet des prix ? Vous avez raison. D'abord, les budgets que j'ai évoqués sont nets : ils n'intègrent pas les remises. Vous mentionnez, de votre côté, des prix faciaux, qui véhiculent des messages politiques à l'opinion publique, qui sont souvent exploités. Le montant des remises, certes, est confidentiel ; cependant, sur des médicaments très innovants, il n'est pas rare qu'il soit de l'ordre de 50 %. Ainsi, les raisonnements budgétaires que j'ai tenus sont indépendants des niveaux de prix que vous citiez.

Vous avez abordé la question de la transparence sur les prix. Vous connaissez bien la situation en matière de transparence sur les prix ; ce n'est malheureusement pas le cas de l'opinion publique. Nous avons beaucoup fait pour faire progresser la cause de la transparence sur les prix, dans la mesure du respect juridique du secret des affaires. Le rapport d'activité annuel du CEPS présente les montants agrégés de remises versées par le secteur - à hauteur d'environ 5 milliards d'euros pour l'année 2021 - ainsi que la répartition des remises par classe thérapeutique. Par ailleurs, les remises sont payées par 3 % des avenants de prix signés : elles reposent sur un nombre réduit d'industriels, qui sont en effet ceux qui apportent les médicaments les plus innovants. Ces chiffres permettent d'établir une estimation assez proche de la réalité, sans déroger au secret des affaires.

En remettant en cause le secret des affaires - et, par conséquent, la capacité à négocier confidentiellement des remises -, nous nous condamnerions à subir la même fin que le conte d'Andersen : le roi serait nu, mais pour un temps seulement, car des remises se reconstitueraient. Pourquoi ? Les remises sont un levier mécanique inhérent à chaque négociation. Certaines sont liées au fait qu'un même médicament est indiqué dans plusieurs maladies. C'est notamment le cas en cancérologie. Or, la boîte est vendue au même prix : il faut donc procéder par remises pour mettre en adéquation la valeur réelle du médicament avec les niveaux d'amélioration du service médical rendu (ASMR) pour chacune de ces indications. D'autres remises ont un sens de santé publique : lorsqu'il s'agit d'une indication très délicate, pour laquelle le CEPS, et la direction générale de la santé (DGS) en son sein, sont soucieux de ne pas voir l'industrie pharmaceutique encourager des prescriptions qui dépasseraient la population cible pour laquelle le produit est prévu. Dans ce cas, des remises de plafonnement imposent au laboratoire de reverser 80 % de son chiffre d'affaires à partir d'un certain seuil.

L'accord-cadre entre le CEPS et le Leem décrit ainsi toute la taxonomie des remises : la lecture du mécanisme est donc assez transparente.

Enfin, il faut bien noter que le prix facial que vous dénoncez n'est rien d'autre qu'un signal de prix lancé à l'international. La réalité du prix budgétaire d'un médicament est toute autre : sans ces remises, il n'y aurait plus d'accès à ces médicaments innovants, car l'ensemble des prix internationaux seraient dérégulés. En effet, les prix des médicaments en France servent de référentiels à une cinquantaine de pays. Ce prix facial garantit ainsi une cohérence dans la régulation des prix internationaux, tandis que le prix net seul correspond à la réalité de l'impact budgétaire du médicament.

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