Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque jour, l’actualité nous rappelle la menace que fait peser l’intensification du risque incendie sur nos territoires.
Alors que la saison des feux commence à peine, le Canada a déjà perdu plus de 7 millions d’hectares de forêts. Les feux ont pris une telle ampleur que la fumée des incendies, chargée en particules fines, est arrivée jusqu’en France. Je tiens à apporter tout mon soutien aux soldats du feu canadiens et internationaux qui se battent sans relâche pour stopper ces mégafeux. Cette catastrophe doit nous alerter dans cet hémicycle sur ce qui deviendra bientôt la norme.
L’été dernier, plus de 70 000 hectares de forêts sont partis en fumée en France. L’été 2022 a été très traumatisant en Gironde. Les climatologues considèrent que ces canicules, ces sécheresses et ces incendies préfigurent les étés futurs.
Dans son rapport sur les feux de forêt et le changement climatique, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rappelle que l’occupation des sols, la dégradation de l’environnement et le dérèglement climatique sont en partie responsables de ces catastrophes. Face à l’inaction, ce même rapport appelle à accélérer la lutte contre le changement climatique pour limiter les coûts économiques, sociétaux et environnementaux des incendies.
Pourtant, alors que nous devons nous préparer à des feux plus nombreux, plus étendus et plus violents, le texte que nous examinons aujourd’hui fait, malheureusement, l’apologie des petits pas.
Certes, les moyens supplémentaires déployés en France pour faire face à l’été 2023 vont dans le bon sens. En Gironde, le prépositionnement d’avions Air Tractor, d’un Dash et d’un hélicoptère répond, en partie, aux besoins immédiats. Les engagements pris par le ministre de l’intérieur d’envisager la création d’une seconde base de canadairs sur la façade ouest sont également positifs.
En revanche, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le Gouvernement a assumé son manque d’ambition en se limitant à des considérations budgétaires. Ce texte n’est plus qu’un petit texte regroupant de petites mesures aux répercussions limitées.
Alors qu’il manque 50 000 sapeurs-pompiers volontaires en France, exclure les collectivités locales du dispositif de réduction des cotisations patronales est un non-sens. Même des mesures évidentes, comme la prise en compte des besoins de la sécurité civile dans la politique de gestion de l’eau, ont été supprimées. Pourtant, il s’agit d’une demande de nos sapeurs-pompiers, qui s’inquiètent de l’avenir de la ressource en eau.
Alors que 95 % des départs de feux sont d’origine humaine, la sensibilisation de nos concitoyens aux bons réflexes est un enjeu majeur. Prévenir le risque incendie passe aussi par la réduction des départs de feux. Malheureusement, les mesures proposées dans ce texte sont bien maigres au regard de l’enjeu. Nous avions déjà soulevé cette faiblesse en avril dernier, mais à la suite de la réunion de la commission mixte paritaire, le résultat est encore plus nettement décevant.
Nous regrettons également, comme certains de nos collègues, la suppression du crédit d’impôt pour la réalisation des obligations légales de débroussaillement, adopté à l’unanimité par le Sénat.
Pour prévenir le risque et sensibiliser la population, nous devrons nous satisfaire d’une « Journée nationale de la résilience ». Faute de moyens, nous aurons des paroles !
Enfin, l’adaptation de nos forêts au dérèglement climatique est le parent pauvre de cette petite proposition de loi. Prévenir le risque, c’est également préparer nos forêts aux chaleurs extrêmes, aux sécheresses à répétition et aux attaques parasitaires. Augmenter la résilience de nos forêts, c’est réduire le risque incendie, c’est soutenir nos sapeurs-pompiers et nos collectivités, c’est protéger nos concitoyens.
Pourtant, les rares avancées que nous avions obtenues au Sénat et à l’Assemblée nationale ont été balayées lors de la commission mixte paritaire.
L’absence de mesures en faveur de la biodiversité nous inquiète. La suppression de la mention « biodiversité » dans les plans simples de gestion n’est pas anodine. L’industrialisation de la forêt, les monocultures et le court-termisme ne feront qu’accroître le risque incendie. Il suffit de regarder la campagne de replantation en Gironde. Malgré les alertes des chercheurs, on replante du pin maritime à perte de vue !
Les considérations financières ont pris le dessus sur l’objectif de cette proposition de loi. Pourtant, comme l’a indiqué notre collègue Pascal Martin, un euro investi dans la lutte contre les feux de forêt génère de 20 à 25 euros d’économie en valeur du sauvé.
Mieux vaut prévenir que guérir : tout le monde connaît ce proverbe. Hier, la présidente du Haut Conseil pour le climat a jugé lors de la présentation de son rapport que la France a été dépassée par les événements climatiques extrêmes qui l’ont frappée en 2022. Elle appelle le Gouvernement à acter l’urgence et à accélérer son action. Elle considère qu’on a dépassé la politique des petits pas, mais qu’on n’est pas encore au pas de course.
Alors oui, mes chers collègues, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte, malgré ces réserves et à contrecœur. Il s’agit d’une occasion manquée pour, enfin, apporter une réponse à la hauteur des enjeux.