Intervention de Alexandra Borchio Fontimp

Réunion du 29 juin 2023 à 10h30
Majorité numérique et lutte contre la haine en ligne — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Photo de Alexandra Borchio FontimpAlexandra Borchio Fontimp :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai le plaisir de me retrouver à nouveau devant vous pour acter, en tant que rapporteure, la fin de nos travaux sur la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

C'est forte de votre soutien sans faille et riche de nos débats que j'ai défendu auprès de nos collègues députés, au sein de la commission mixte paritaire, les apports du Sénat. Cette CMP fut conclusive, avec une adoption à l'unanimité du texte du Sénat !

Nul doute que, lorsqu'il s'agit de protéger nos enfants, le consensus s'impose. Le bon sens et l'intérêt des mineurs ont chassé les postures politiques. Ainsi, nous pouvons tous nous féliciter que nos deux assemblées soient parvenues rapidement à un accord, sur ce sujet ô combien fondamental qu'est la protection de nos enfants.

Avant de poursuivre, je tiens à vous remercier tous pour votre engagement, pour votre confiance tout au long de mes travaux. Bien évidemment, permettez-moi d'avoir une pensée particulière pour mes collègues de la commission de la culture, qui travaillent sous la présidence bienveillante de Laurent Lafon et l'œil avisé de Max Brisson.

Cette proposition de loi est le fruit d'un constat alarmant : internet peut tuer, les réseaux sociaux peuvent tuer. Et je continuerai à dire et à écrire que le harcèlement est un fléau pour les plus fragiles, depuis bien trop longtemps. Il est temps de porter haut et fort des politiques publiques visant à protéger les victimes. Ce sont les personnes qui, dans les couloirs d'un établissement scolaire ou en parcourant les lignes d'un message haineux posté sur les réseaux – qui deviennent ainsi antisociaux –, sont plongées par ces invectives dans une spirale infernale.

Très loin d'être un espace préservé des violences, la sphère internet accentue la cruauté parce que, désormais, celui qui accuse, attaque, critique, insulte, porte un masque. Ce masque lui est offert par les réseaux sociaux, qui autorisent l'anonymat, permettant ainsi aux harceleurs de déverser leur haine en toute impunité. Diffamation, calomnie, agressivité :i aucun garde-fou ne les arrête ! Vous savez tous combien le harcèlement peut anéantir la vie des adolescents.

Pour autant, nous ne pouvons pas adopter une posture qui ne serait ni comprise ni adaptée. Que nous le voulions ou non, ces réseaux font maintenant partie de notre vie. Les tablettes remplacent peu à peu les hochets. Les chercheurs en optique ne cessent de rendre les verres de plus en plus innovants, pour les adapter à la surutilisation des écrans, et les prescriptions des ophtalmologues épuisent les stocks de larmes artificielles…

Internet et ses réseaux sociaux, dont la diversité ne cesse de nous étonner, font partie intégrante du quotidien de la génération Z. Rendez-vous compte, mes chers collègues : dès la naissance de nos enfants, certaines plateformes leur créent automatiquement une identité numérique ! Une double vie, réelle et fictive, s'installe chaque jour, et nos enfants n'ont pas toujours les armes pour affronter la réalité du virtuel.

Bannir les réseaux sociaux reviendrait à nier l'époque dans laquelle ils vivent, et serait tout simplement l'aveu de notre défaillance à les comprendre pour mieux les adapter.

La proposition de loi sur laquelle nous allons nous exprimer une dernière fois n'a pas pour objet de priver les plus jeunes de l'accès à un réseau social, mais bien d'apporter une réponse adaptée aux abus nés d'un usage précoce et non encadré.

Je vous rappelle que la première inscription sur un réseau social intervient vers huit ans et demi et, la plupart du temps, elle survient sans que les parents en soient informés.

Celle proposition de loi part de cette réalité. Loin d'exclure d'internet tous les mineurs, elle procède d'une volonté farouche de protéger les plus jeunes, en créant une véritable majorité numérique. En dessous de 15 ans, l'inscription à un réseau social sera dorénavant soumise à autorisation parentale ; au-dessus de cet âge, qui coïncide avec l'entrée au lycée, le mineur pourra s'y inscrire librement.

Au cours de nos travaux et de mes réflexions, il m'est apparu essentiel de remettre au cœur de ce texte l'autorité parentale.

Par facilité ou par faiblesse, nous avons trop tendance à imputer les vices d'internet et de ses réseaux aux créateurs des contenus diffusés, et même, parfois, à une prétendue ère du tout-numérique. En tant que parlementaire, mais avant tout en tant que mère de famille, permettez-moi de vous dire, mes chers collègues, que nous nous leurrons. Les parents aussi portent la responsabilité de l'usage que font leurs enfants d'internet. Bien souvent dépassés par une jeunesse qu'ils ne comprennent plus et par l'évolution trop rapide de la technologie, ils préfèrent abandonner. À ces parents, je veux dire ce matin de ne pas baisser les bras. La meilleure protection qu'ils peuvent offrir à leurs enfants, c'est eux-mêmes.

Avant de conclure, je voudrais me tourner vers l'avenir. À court terme, il nous faudra être particulièrement attentifs quant à l'application des dispositions de cette future loi. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, pour rappeler aux plateformes leurs nouvelles obligations.

Nous débattrons, dès la semaine prochaine, du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, sur lequel le Sénat a constitué une commission spéciale.

Cette proposition de loi, j'en suis convaincue, en constitue la première pierre et c'est pour cette raison, et au nom de la protection de nos enfants, que je vous propose d'adopter le texte issu des travaux de la CMP.

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