Intervention de Toine Bourrat

Réunion du 29 juin 2023 à 10h30
Majorité numérique et lutte contre la haine en ligne — Vote sur l'ensemble

Photo de Toine BourratToine Bourrat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a pu parvenir sans difficulté à un accord sur les dispositions restant en discussion entre les deux assemblées. Hormis quelques modifications d'ordre rédactionnel, c'est le texte issu des travaux du Sénat qui a été adopté. Les améliorations apportées par notre Haute Assemblée concernent principalement la procédure de reconnaissance de la majorité numérique à 15 ans, à l'article 2, mais elles introduisent également de la pédagogie, avec des mesures renforçant la prise de conscience, pour les enfants comme pour les parents, des dangers d'internet.

Sur la majorité numérique, le Sénat a tenu à ce que le message de la proposition de loi soit clair. Aucun enfant de moins de 15 ans ne doit pouvoir s'inscrire sur un réseau social sans accord parental.

Je suis intervenue en CMP pour une parfaite application de ce principe, pour éviter la réintroduction d'une disposition adoptée par l'Assemblée nationale, puis supprimée par le Sénat, qui proposait la création d'un label pour des réseaux jugés consultables par des moins de 13 ans.

On peut comprendre la volonté de distinguer les réseaux sociaux selon leur nature, mais une telle labellisation semble aussi complexe que risquée : quels seraient les critères retenus ? quelle autorité octroierait ce label ?

De plus, le message véhiculé par la proposition de loi se trouverait brouillé. Comme je l'ai expliqué en commission, la majorité numérique, comme la majorité civique, ne doit pas varier selon les critères changeants. Une règle doit toujours être de portée générale si nous voulons conserver l'universalité de la loi, qui plus est dans le domaine du numérique. Je me réjouis donc que les députés nous aient suivis sur cette voie.

Nous avons d'ailleurs pris en considération la nature de certains sites internet en excluant notamment du champ d'application de l'article 2 les encyclopédies en ligne et les répertoires scientifiques à but éducatif, comme le site Wikipédia, afin de ne pas restreindre leur fréquentation.

Notre rapporteure a fait preuve de pragmatisme en proposant que l'accord d'un seul parent soit suffisant pour accepter l'inscription d'un mineur de 15 ans sur un réseau social. Un seul parent pourra également s'y opposer.

Cette disposition est cohérente avec le droit existant, car l'accord des deux parents est en général réservé aux événements les plus importants de la vie du mineur, comme une intervention chirurgicale ou un changement d'école, et n'est pas requis pour les actes de la vie courante.

Mais, surtout, la procédure s'en trouve accélérée et simplifiée : un éditeur de contenus ne pourra pas se retrancher derrière la difficulté à recueillir l'accord des deux parents, dans le cas, par exemple, de parents séparés.

Ces précisions ont été apportées sur l'initiative de notre rapporteure, dont je tiens à saluer le travail, l'investissement et l'écoute.

Elle s'est également montrée vigilante pour que l'on ne puisse accuser le dispositif mis en place de contrevenir aux libertés individuelles.

Le texte prévoit ainsi que la Cnil sera garante du respect des données personnelles : elle rendra un avis sur le projet de décret qui fixera les modalités d'application du dispositif de protection des mineurs de 15 ans.

Enfin, comme je l'ai indiqué au début de mon intervention, je souhaite souligner l'importance de deux mesures qui visent à améliorer l'information des mineurs et qui s'imposeront aux entreprises de réseaux sociaux.

D'une part, ces dernières auront l'obligation d'informer l'utilisateur de moins de 15 ans et le titulaire de l'autorité parentale, lors de l'inscription, sur les risques liés à l'utilisation d'internet ainsi que sur les conditions d'utilisation des données. En effet, si certains opérateurs ont déjà mis en place cette « éducation » aux usages numériques, celle-ci est loin d'être généralisée.

D'autre part, tous les parents ont pu constater que l'enfant ou l'adolescent, absorbé par son écran, perd sensiblement la notion du temps et n'est finalement pas conscient des heures qu'il consacre aux réseaux sociaux et à internet. Dorénavant, les entreprises de réseaux sociaux auront l'obligation d'activer un dispositif de contrôle du temps passé devant l'écran et devront envoyer des notifications régulières.

La prise de conscience du temps passé sur un réseau social constitue un premier pas dans la lutte contre l'addiction à ces plateformes. En effet, la meilleure défense pour les jeunes consiste à comprendre par eux-mêmes qu'ils peuvent être le jouet des réseaux sociaux.

Je terminerai mon propos en saluant le fait que ce texte provient d'une initiative parlementaire.

Certes, cette proposition de loi n'est qu'une étape et nous sommes conscients des difficultés techniques qui vont ralentir sa mise en œuvre. Cependant, nous aurons fixé les bases d'un nouveau cadre de responsabilisation des plateformes et des réseaux sociaux, ce qui est capital pour protéger nos jeunes, qui sont appelés à vivre avec ces outils, qu'on le veuille ou non.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion