Intervention de Sylvie Robert

Réunion du 29 juin 2023 à 10h30
Majorité numérique et lutte contre la haine en ligne — Vote sur l'ensemble

Photo de Sylvie RobertSylvie Robert :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il nous revient aujourd'hui d'examiner, en vue d'une adoption définitive, la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

Je suis très satisfaite qu'un accord ait été trouvé la semaine dernière en commission mixte paritaire sur la version du Sénat, ce qui souligne, une fois de plus, la qualité du travail de la chambre haute, et en particulier celui de notre rapporteure, Alexandra Borchio Fontimp.

Cette proposition de loi, que nous avions adoptée à l'unanimité, s'attaque à des sujets d'importance majeure : celui de la surexposition des enfants, à partir d'âges de plus en plus précoces, aux réseaux sociaux. Cette surexposition entraîne des effets désastreux sur leur santé mentale et physique et les met face à de nombreux phénomènes néfastes, tels que le harcèlement ou la surinformation.

L'article 1er tend à donner une base légale aux réseaux sociaux en ligne puisqu'aucune définition n'était alors prévue par la loi. Cette définition légale vise à protéger les mineurs des effets néfastes de la surexposition à ces réseaux et à encadrer leur présence sur ces derniers. Ainsi, un consentement parental sera requis pour l'inscription sur des réseaux sociaux des mineurs de moins de 15 ans, âge auquel est désormais fixée la majorité numérique, en vertu de l'article 2.

Le consentement sera recueilli sur la base d'un référentiel mis en œuvre par l'Arcom, ce qui constitue un gage de fiabilité des conditions de vérification de l'âge. Je me réjouis que la CMP ait retenu la rédaction du Sénat et supprimé le système de labellisation des réseaux destinés au moins de 13 ans : ce dispositif, qui constituait une sorte d'usine à gaz, semblait difficile à mettre en œuvre et peu réaliste au regard de la présence actuelle de très nombreux « petits adolescents » sur les réseaux !

À l'article 3, des sanctions sont prévues pour les réseaux qui contreviennent à cette obligation de vérification de l'âge, avec, le cas échéant, l'obligation de répondre au juge dans des délais resserrés.

La remise d'un rapport au Parlement évaluant les conséquences sur la santé des jeunes de leur surexposition aux réseaux sociaux justifie une entorse à la jurisprudence du Sénat sur la remise de rapports du Gouvernement au Parlement, compte tenu de l'importance de la question.

La proposition de loi a été enrichie, en raison de la recrudescence des faits de harcèlement. Ainsi, à l'article 1er bis, la liste des infractions contre lesquelles les fournisseurs d'accès et de services en ligne doivent lutter, par le biais d'informations fournies aux internautes et d'un dispositif de signalement, est élargie à la diffusion de contenus constitutifs d'atteintes à la vie privée et à la sécurité des personnes ou de formes de chantage et de harcèlement.

Un autre enrichissement intervenu sous la pression de l'actualité est l'obligation pour les fournisseurs d'accès et de services en ligne de publier des messages de prévention contre le harcèlement et d'indiquer les structures d'accompagnement des personnes faisant l'objet de cyberharcèlement. Je note que ce dispositif, qui figure à l'article 1er ter, reprend l'essentiel du dispositif de l'article 4 de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement et complétant la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, déposée par mon groupe, sous l'impulsion de Sabine Van Heghe, qui a présidé la mission d'information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

Je me félicite que plusieurs amendements déposés par notre groupe aient été adoptés, comme celui qui vise à obliger les plateformes à mettre en place une information spécifique lors de l'inscription d'un mineur de 15 ans, à son attention comme à celle des titulaires de l'autorité parentale, pour éclairer sur les risques liés à l'usage des réseaux sociaux ainsi que sur les moyens de prévention.

Je pense aussi à l'amendement visant à prévoir la délivrance à l'utilisateur de moins de 15 ans d'une information claire et adaptée des conditions d'utilisation de ses données et de ses droits relevant de la loi Informatique et libertés – il s'agit notamment de son droit à l'oubli conformément aux recommandations de la Cnil –, à l'amendement visant à contraindre les réseaux sociaux à mettre en place un dispositif de contrôle du temps passé sur leurs plateformes pour les mineurs de 15 ans, ou encore à l'amendement que j'avais porté, identique à celui de notre rapporteure, sur l'exclusion du champ d'application du dispositif des encyclopédies en ligne et des répertoires scientifiques.

J'approuve, par ailleurs, la suppression, décidée au Sénat, de l'article 5 de la proposition de loi, qui prévoyait la remise d'un rapport sur les possibilités de fusion des plateformes d'appel pour harcèlement scolaire et cyberharcèlement. Il me semble en effet opportun de maintenir les deux numéros existants : le 3020 pour les signalements de harcèlement scolaire et le 3018 pour ceux de cyberharcèlement. Les deux organismes sont spécialisés et leurs experts apportent des réponses ah hoc.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient ce texte, même si j'émets quelques réserves sur la possibilité de mettre en œuvre rapidement certains des dispositifs prévus : l'élaboration de référentiels par l'Arcom pour le recueillement du consentement parental à l'inscription de mineurs risque ainsi de s'avérer une tâche très complexe.

Par ailleurs, comme nous l'avons souligné, ce texte ne permettra pas de tout résoudre. La haine et la violence auxquelles sont exposées les jeunes sur les réseaux sociaux ne vont malheureusement pas disparaître. Il y a un problème d'éducation. Il faut – c'est une autre recommandation de la mission sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement – mieux former les enfants, les parents et les enseignants pour faire face à ces enjeux.

C'est donc en toute lucidité que notre groupe politique approuve les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne.

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