Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 30 mai 2023 à 14h30
Bourses d'études et parent en situation de handicap — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, demain s’achève le délai de dépôt des demandes de dossiers sociaux pour l’année universitaire à venir. Demain, ni l’architecture de Parcoursup ni les demandes de bourse et de logement ne permettront à un étudiant enfant d’un parent porteur d’un handicap de s’identifier comme aidant.

Dans le classement mondial des pays en fonction du niveau de reconnaissance des jeunes aidants et des politiques publiques qui leur sont destinées, la France figure parmi les pays émergents. Je ne doute pas que, si cette proposition de loi est votée au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, notre pays sera classé parmi les pays satisfaisants.

Toutefois, la question globale de l’aidance s’est invitée tardivement dans le débat public et le statut d’aidant n’est toujours pas attribué aux étudiants. Les jeunes adultes aidants demeurent une réalité invisible aussi bien socialement que légalement. Ils sont aidants de leur parent en situation de handicap et co-aidant du parent valide. Ils sont aidants alors qu’ils ont eux-mêmes besoin d’être aidés.

Malgré leur nombre croissant, ces invisibles endossent un rôle multidimensionnel ; ils accompagnent en silence et restent des acteurs de l’ombre, peu conscients de leur statut, soumis à de nombreuses tensions dans un contexte d’isolement accru.

La plupart de ces jeunes ne se perçoivent pas nécessairement comme aidants et ont à gérer, en parallèle de leurs études, une charge logistique, mentale et financière. Ce quotidien affecte non seulement les conditions dans lesquelles ils évoluent, mais aussi leur santé tant physique que psychique. Nombre d’entre eux se limitent dans leurs ambitions professionnelles, évitant ainsi de nouvelles contraintes pour la famille. Culpabilité, souffrance, solitude et épuisement sont ainsi le lot de ces jeunes adultes.

Mercredi dernier, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, réunie selon la procédure de législation en commission (LEC), a adopté à l’unanimité, après avis favorable du Gouvernement, la proposition de loi que j’ai tenu à présenter visant à verser automatiquement une bourse d’études aux étudiants aidants.

La rédaction initiale prévoyait de verser automatiquement une bourse d’études d’échelon 7 aux étudiants, quel que soit leur niveau de ressources, dont au moins l’un des deux parents était porteur d’un handicap entraînant un taux d’incapacité d’au moins 80 %. Madame la ministre, madame la rapporteure, vous avez élargi le cap que j’avais fixé, et je vous en remercie.

Le nouveau titre de cette proposition de loi vise la prise en compte, dans l’attribution des bourses, de la situation de l’étudiant, aidant d’un parent en situation de handicap. En effet, le texte, dans sa nouvelle rédaction, modifie en ce sens le code de l’éducation, les conditions d’attribution devant, par la suite, être prévues par voie réglementaire.

La rapporteure a ainsi tenu à supprimer la référence au taux d’incapacité, puisque cela relève de l’ordre réglementaire. Par ailleurs, il a été précisé que l’étudiant n’aura pas à prouver le fait qu’il aide son parent, mais devra simplement justifier de l’incapacité de celui-ci ; vous nous l’avez rappelé, madame la ministre. Je me satisfais pleinement de cette mesure.

Le texte vise désormais « l’étudiant, aidant d’un parent », ce qui permet de couvrir plus largement les situations d’aide. La référence à un échelon de bourse est supprimée, puisque ces derniers ont vocation à disparaître dans le nouveau modèle de bourses en préparation.

Nous pouvons nous réjouir que le travail réalisé en commission ait abouti à un vote favorable unanime de ses membres. Cela permet la reconnaissance collective de la situation singulière des étudiants aidants, qui sont confrontés à des difficultés sociales, appelant, pour reprendre les propos de Mme la ministre, « une réponse adaptée sur plusieurs volets ». Enfin, il a été l’occasion pour Mme la rapporteure d’affirmer la nécessité, en complément du soutien financier apporté aux étudiants aidants, d’adapter leur rythme d’études et leur accompagnement au sein des établissements universitaires.

Permettez-moi également de me féliciter que cette initiative législative, déposée au mois de septembre 2022, ait permis de mettre en lumière ces étudiants aidants, en créant un effet d’alerte auprès du Gouvernement – vous l’avez souligné, madame la ministre –, conduisant le Président de la République à annoncer en clôture de la Conférence nationale du handicap, le 26 avril dernier, que les étudiants, aidants de parents en situation de handicap, « bénéficieront d’un accès facilité aux bourses sur critères sociaux par une bonification de quatre points de charges supplémentaires ».

Mes chers collègues, je me dois toutefois d’attirer votre attention sur un point. Malgré la volonté clairement affichée par la ministre de permettre l’entrée en vigueur, à la rentrée 2023, de la bonification de quatre points de charges supplémentaires dans le calcul de la bourse, je m’interroge sur cette mise en œuvre effective eu égard à la clôture des demandes de bourse, qui, pour rappel, aura lieu demain.

Pour conclure, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi issue d’un travail collectif transpartisan. Je remercie chaleureusement mes collègues, tout particulièrement Mme la rapporteure Toine Bourrat, des échanges multiples que nous avons eus, à l’issue desquels j’ai parfois accepté certains compromis qui ont tous prospéré. Cela fait la grandeur du Sénat. Quand l’argent destiné aux aides sociales est bien distribué, dans le cadre d’un dispositif bien organisé, le vote ne peut être que favorable.

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