Intervention de Serge Babary

Réunion du 30 mai 2023 à 14h30
Reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Serge BabarySerge Babary :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui des entrepreneurs français à l’étranger. Nous les connaissons peu, nous évaluons d’ailleurs difficilement leur nombre. Environ 2, 5 millions de Français sont établis dans 169 pays du monde. Parmi eux, plus de 130 000 seraient des entrepreneurs.

Voilà plus de deux ans, la délégation sénatoriale aux entreprises avait déjà mis en évidence l’absence de définition juridique de l’entrepreneur français à l’étranger ou de statistiques sur le sujet. Nous entendons aujourd’hui y remédier et formuler, pour la première fois en droit, une définition de l’entrepreneur français à l’étranger.

Ces entrepreneurs, ce sont des Français partis en Amérique du Sud, qui y ont ouvert un restaurant, d’autres partis en Asie pour y vendre des vins français, d’autres encore qui ont créé une société de conseil ou d’informatique en Afrique ou ailleurs.

Ces entrepreneurs contribuent, directement ou indirectement, à notre commerce extérieur. Ils concourent aussi au rayonnement de la France sur le plan international, en incitant tous les jours des milliers de personnes dans le monde à se rendre en France, à mieux connaître la culture française ou à consommer des produits français. Toutefois, leur valeur ajoutée est très difficile à quantifier si on ne sait pas ce qu’est exactement un entrepreneur français à l’étranger.

Pour continuer à mettre en valeur la France comme ils le font, ils ont besoin d’être reconnus, identifiés, et de disposer d’outils pour se valoriser. Ils ne sont pas à la tête de grandes entreprises connues du grand public. Dans plus de 70 % des cas, ils dirigent de petites structures, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 millions d’euros par an. Nous devons donc les distinguer et leur donner la visibilité dont ils ont besoin.

Faute de reconnaissance, certains entrepreneurs pourraient être découragés de revenir en France et d’y investir, par exemple en y installant une filiale de leur entreprise créée à l’étranger.

En outre, il existe un intérêt économique, commercial, pour la France : mieux connaître ces entrepreneurs, c’est nous donner les moyens de mieux structurer les réseaux et les communautés d’affaires à l’étranger, au service du développement international de nos entreprises. Or, pour cela, il faut les recenser et, pour les recenser, il faut leur donner une existence juridique.

Tel est l’objet de cette proposition de loi : définir, recenser, valoriser.

L’article 1er du texte définit ce qu’est un entrepreneur français à l’étranger. Pour être considéré comme tel, il doit être un ressortissant français inscrit au registre des Français établis hors de France. La commission a maintenu ce critère essentiel, qui permet de témoigner d’un attachement à la France ou d’un engagement minimal envers elle.

Parmi les critères économiques, la commission a souhaité prendre en compte la diversité des situations professionnelles. Initialement, étaient considérés comme entrepreneurs français à l’étranger les Français ayant créé une entreprise de droit local et détenant plus de 50 % de ses parts. Or un entrepreneur peut créer une entreprise sans en être l’actionnaire majoritaire ; il peut aussi diriger une entreprise sans l’avoir créée, notamment en cas de reprise d’une société créée par un autre Français. Enfin, les Français qui permettent à d’autres d’entreprendre, en investissant dans une entreprise qu’ils n’ont pas créée, doivent aussi être pris en compte.

C’est pourquoi la commission a souhaité élargir cette définition : elle a adopté un amendement visant à inclure les Français inscrits au registre qui ont créé une entreprise de droit local, ou qui en exercent la direction générale, ou qui assurent le contrôle effectif de son capital.

Cet amendement tend aussi à réduire les risques d’effet de seuil liés à la mention de la détention de 50 % du capital. Grâce à la notion d’entreprise, et non de société, les entrepreneurs individuels ou leurs équivalents sont désormais également pris en compte.

Après avoir défini ce qu’est un entrepreneur français à l’étranger, il faut procéder à un recensement : tel est l’objet de l’article 2. La commission a souhaité confier cette mission en priorité aux acteurs locaux que sont les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les conseillers du commerce extérieur, et non pas directement aux services économiques des ambassades.

La commission a privilégié une rédaction qui permet au comité d’identification de s’organiser avec souplesse, éventuellement en sollicitant l’appui d’autres acteurs – je pense évidemment aux services économiques des ambassades, qui doivent naturellement être tenus au courant du recensement.

Enfin, à l’article 3, la commission a conservé le principe d’un label, tout en affinant son dispositif. Elle a souhaité ainsi parvenir à un équilibre entre élargissement de la définition de l’entrepreneur français à l’étranger à l’article 1er et resserrement du label à l’article 3.

En effet, tous les entrepreneurs n’ont pas la même valeur ajoutée pour la France. La commission a donc adopté un amendement visant à ne pas rendre automatique l’octroi de ce label et à conditionner sa délivrance à une activité professionnelle contribuant à la promotion d’un savoir-faire français, à la distribution de biens ou de services français ou encore au rayonnement international de la France.

Ces critères qualitatifs seront appréciés par le comité chargé du recensement. L’objectif est non pas de créer de nouvelles complexités, de nouvelles contraintes, mais encore une fois de laisser les acteurs les plus connaisseurs des économies locales s’organiser. Je leur fais confiance pour être attentifs à la préservation de la marque France.

Pour le nom du label, la commission a également souhaité privilégier la concertation entre les acteurs afin d’aboutir à un nom que tous puissent s’approprier. Elle a donc décidé de ne pas faire figurer le nom du label dans la proposition de loi, tout en étant assurée que le réseau des chambres de commerce et d’industrie et les conseillers du commerce extérieur de la France, très enthousiastes sur ce dossier, feront part de leurs propositions.

Enfin, la commission a adopté un amendement visant à conserver le principe d’un répertoire regroupant les noms des bénéficiaires du label, en supprimant la mention de son caractère unique, afin qu’il puisse être mis en œuvre dans chaque pays.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Vous l’aurez compris, mon objectif est de créer un cadre qui donne l’impulsion nécessaire à une meilleure connaissance et reconnaissance des personnes qui contribuent à la valorisation de la France dans le monde.

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