Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire aura eu le mérite de mettre au jour des situations jusqu’alors oubliées : celles des petits entrepreneurs français, dirigeants de très petites entreprises (TPE) ou entrepreneurs individuels, installés à l’étranger. Certains d’entre eux ont vu leur activité emportée par la pandémie. D’autres ont été considérablement fragilisés, faute d’un soutien suffisant – quand il existait ! – du pays qu’ils ont rejoint.
À première vue, on pourrait très légitimement s’interroger sur le bien-fondé d’une telle aide, en suivant le raisonnement suivant : dès lors qu’une entreprise n’acquitte pas d’impôt en France, rien ne justifie l’assistance de l’État français. Ce serait pourtant commettre une grave erreur de jugement, car ces entreprises participent au rayonnement de la France. Elles sont même des relais inestimables pour l’Hexagone.
Dans un rapport d’information de décembre 2020 fait au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises, notre ancienne collègue Jacky Deromedi relevait que 40 % de ces entreprises utilisent des produits français. Ajoutons que 69 % des entreprises françaises installées à l’étranger entretiennent un partenariat avec une entreprise française. En facilitant les exportations des petites et moyennes entreprises françaises, elles apportent une contribution majeure au commerce extérieur national.
Au-delà de leur contribution matérielle, ces entrepreneurs font aimer la France aux populations locales. Ils la font vivre à l’étranger. Ces ambassadeurs économiques de la France sont hôteliers à Battambang, producteurs de poivre à Kampot, pâtissiers à Oaxaca ou encore restaurateurs gastronomiques à Kuala Lumpur. Or ils représentent un véritable angle mort de notre politique économique, si bien qu’ils ont été oubliés au temps du covid-19. Notre réseau commercial international s’en est trouvé fragilisé et, pour les entreprises de l’Hexagone, un certain nombre de débouchés à l’exportation ont été irrémédiablement perdus.
Je rappelle que le Sénat a été l’une des forces menantes pour soutenir les Français de l’étranger qui avaient besoin d’aide. Ainsi, nous avons adopté la proposition de loi déposée par notre collègue Ronan Le Gleut portant création d’un fonds d’urgence pour les Français de l’étranger victimes de catastrophes naturelles ou d’événements politiques majeurs. Nous avons également proposé d’augmenter progressivement les crédits alloués au programme budgétaire « Français de l’étranger et affaires consulaires ».
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui confirme cette volonté sénatoriale d’aider les entrepreneurs français à l’étranger.
Nous pouvons saluer l’exigence de notre rapporteur, Serge Babary, et de nos collègues Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard : ils sont parvenus à inventer des dispositifs efficaces, cohérents et lisibles tout en assurant leur sécurité juridique. Il s’agit là de mesures de bon sens ; on peut d’ailleurs s’étonner qu’elles n’aient pas été mises en œuvre plus tôt.
Avant tout, il était indispensable d’expliciter les termes « entrepreneur français à l’étranger ». La définition large proposée par notre rapporteur à l’article 1er va dans le bon sens : elle a le mérite de la simplicité et permet de contourner les effets de seuils.
De même, le recensement des entrepreneurs français, qui fait l’objet de l’article 2, est une nécessité. Je souligne la lucidité et le pragmatisme dont notre rapporteur a fait preuve en confiant cette tâche aux représentants des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’étranger et aux conseillers du commerce extérieur de la France. Dotés d’une approche microéconomique, les intéressés sont les mieux placés pour accomplir ce recensement.
Je soutiens de toutes mes forces la philosophie qui a présidé à la réécriture de l’article 3, créant le label de promotion d’un savoir-faire français. Ce label ne sera pas automatiquement octroyé : dès lors, nous garantissons sa crédibilité.
Je salue également la volonté de M. le rapporteur de conserver un dispositif souple, décentralisé et donc proche du terrain. Ce répertoire sera propre à chaque pays : on évitera ainsi de créer de nouvelles complexités ou contraintes liées à l’hypercentralisation, maladie française chronique.