Intervention de Yan Chantrel

Réunion du 30 mai 2023 à 14h30
Reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Yan ChantrelYan Chantrel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à définir, pour la première fois en droit, le statut d’entrepreneur français à l’étranger.

Elle jette les bases d’un recensement qui permettra d’octroyer aux entrepreneurs français à l’étranger un label afin de les valoriser et d’en faire la tête de pont de notre diplomatie économique.

Ce texte reprend une partie des préconisations d’un rapport de la délégation sénatoriale aux entreprises, de décembre 2020, visant à renforcer la résilience des entreprises françaises à l’étranger.

Ses auteurs alertaient alors sur la situation des entrepreneurs français à l’étranger pendant la crise sanitaire, car beaucoup d’entre eux se sont trouvés dans des situations très préoccupantes, voire périlleuses. Ces entrepreneurs n’ont pas pu bénéficier des aides que le gouvernement de l’époque avait instaurées pour les entreprises implantées en France. Pourtant, ils participent à la valorisation de la France à l’étranger et, pour beaucoup d’entre eux, à l’essor des exportations françaises, car ils achètent en France les produits nécessaires à leur activité ou commercialisent des produits français.

Cela fait déjà longtemps que des travaux sont menés sur ce sujet, notamment au sein de l’Assemblée des Français de l’étranger. Lorsque je siégeais à la commission du commerce extérieur, nous avions fait, avec mes collègues, des propositions pour remédier à l’absence de prise en compte, par le ministère des affaires étrangères, des très petites entreprises, qu’elles soient implantées en France et désireuses de se tourner vers le marché international, ou implantées à l’étranger, mais avides de recréer un lien économique avec la France.

À plusieurs reprises, le CNCCEF a souligné la petite taille de la majorité des structures créées par les entrepreneurs français à l’étranger : il s’agit bien souvent d’artisans, de commerçants, d’autoentrepreneurs, de PME et de TPE, qui contribuent directement ou indirectement au commerce extérieur de la France. Le manque de reconnaissance de leur valeur ajoutée pour notre pays pourrait décourager certains de revenir ou d’investir en France en y installant une filiale de l’entreprise qu’ils ont créée à l’étranger.

Nous avions demandé que soit mis en place pour les TPE et les entrepreneurs individuels un accès personnalisé, adapté à leurs spécificités, notamment financières, aux organismes d’aide aux entreprises et que soient faits pour eux les mêmes efforts que ceux qui ont été consentis pour les PME.

De telles aides peuvent susciter l’incompréhension en métropole, mais il ne faut pas sous-estimer l’interdépendance entre entrepreneurs de France et entrepreneurs français à l’étranger. La plupart des entreprises françaises à l’étranger contribuent très fortement à la chaîne de valeur du commerce extérieur de la France et, in fine, à la préservation de l’emploi en France.

Par ailleurs, CCI France international et les conseillers du commerce extérieur de la France constatent, depuis la pandémie, que ces entrepreneurs ont de plus en plus tendance à revenir en France, où leurs entreprises peuvent aussi prospérer.

Dans son article 1er, cette proposition de loi reprend la définition établie par le CNCCEF dans son enquête de 2020 : les entrepreneurs français de l’étranger sont des entreprises créées localement à l’étranger, fondées ou détenues en majorité par des citoyens de nationalité française implantés à l’étranger, sans relation capitalistique ou structurelle directe avec un établissement enregistré en France.

Néanmoins, nous partageons la volonté du rapporteur de privilégier une définition générale de l’entrepreneur français à l’étranger, qui ne soit pas trop limitative, compte tenu de la diversité des situations et des contraintes locales.

En tout état de cause, il reviendra au comité d’identification prévu à l’article 2 de prendre la décision finale d’octroyer ou non le statut d’entrepreneur français à l’étranger.

À cet égard, il nous paraît indispensable de réintroduire, comme le prévoyait initialement la proposition de loi, les ambassades dans le recensement des entrepreneurs français à l’étranger. Elles jouent un rôle pivot en termes de diplomatie économique et d’influence stratégique, notamment lorsqu’il s’agit de coordonner les stratégies des différents acteurs économiques implantés localement à l’étranger et de pénétrer des marchés. Leurs missions économiques œuvrent par ailleurs à l’implantation d’entreprises françaises à l’étranger. Elles sont ainsi l’un des interlocuteurs privilégiés de Business France, avec qui elles travaillent en étroite collaboration.

Par ailleurs, je défendrai un amendement visant à intégrer au comité d’identification les représentants des Français établis hors de France que sont les conseillers élus des Français de l’étranger, mais aussi les associations représentatives à l’échelon national des Français établis hors de France, au regard du rôle que la loi confère aux conseillers et conseillères des Français de l’étranger.

L’article 3 de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France prévoit que le « conseil consulaire est chargé de formuler des avis », notamment sur des questions d’intérêt économique et social. L’article 3 du décret du 18 février 2014 relatif aux conseils consulaires, à l’Assemblée des Français de l’étranger et à leurs membres, autorise les conseils consulaires à recevoir « des informations concernant l’implantation locale des entreprises françaises ou de leurs filiales et leur activité ». C’est d’ailleurs à ce double titre que nous réclamons, depuis des années, par de multiples résolutions adoptées à l’Assemblée des Français de l’étranger, que les postes diplomatiques associent tous les conseillers et conseillères élus des Français de l’étranger aux conseils économiques et d’influence.

Les conseillers des Français de l’étranger et les représentants des associations reconnues d’utilité publique sont des acteurs de terrain. Souvent installés de longue date dans leur pays d’accueil – là où nos diplomates ne sont que de passage pour trois ans –, nos élus sont souvent une mine d’information et d’expertise, sous-exploitée.

Fins connaisseurs des dynamiques locales, ils sont souvent les mieux à même de repérer les entrepreneurs français à l’étranger, ou de faire connaître le recensement prévu à l’article 2 auprès des communautés françaises, y compris les plus éloignées des postes diplomatiques et consulaires. Il nous paraît donc essentiel d’associer au comité d’identification ce réseau d’élus et d’associations représentatives, qui constitue un maillage unique de notre « territoire » des Français de l’étranger.

Enfin, à l’article 3, nous nous réjouissons que la commission ait décidé que le nom du label dont bénéficieront les entrepreneurs français à l’étranger sera fixé par décret, afin que le plus grand nombre puisse se l’approprier. Si l’usage de l’anglais peut se justifier dans un contexte commercial international, il nous paraît nécessaire d’y accoler un équivalent français, comme c’est le cas, par exemple, de « Made in France », aussi dénommé « Fabriqué en France ».

Enfin, notre groupe proposera de prévoir quelques garde-fous dans l’octroi de ce label afin d’éviter que certains entrepreneurs, en contradiction avec l’esprit de la proposition de loi, ne cherchent, en s’établissant à l’étranger, à contourner le droit français, via des stratégies d’optimisation, voire d’évasion fiscales.

Les entrepreneurs français à l’étranger gardent souvent un lien fort avec la France, où ils s’approvisionnent en produits fabriqués chez nous. Par leur activité, ils soutiennent donc fortement les exportations françaises et contribuent au rayonnement de notre économie.

Nous voterons donc ce texte, qui permet de reconnaître les entrepreneurs français à l’étranger comme des maillons essentiels de notre commerce extérieur.

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