Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 30 mai 2023 à 14h30
Reconnaître et soutenir les entrepreneurs français à l'étranger — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Depuis, nos collègues députés Anne Genetet et Stéphane Vojetta ont déposé une proposition de loi analogue à celle que nous examinons aujourd’hui.

Lors d’une table ronde organisée en novembre 2020 par Serge Babary, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, j’avais proposé sept pistes d’action.

L’une d’elles consistait à cartographier les entreprises françaises ayant un impact positif sur notre commerce extérieur, afin d’identifier les opportunités de les accompagner si nécessaire.

Avec cette proposition de loi, l’objectif de nos collègues du groupe Les Républicains Évelyne Renaud-Garabedian et Jean-Pierre Bansard est de reconnaître et de soutenir les entrepreneurs français à l’étranger.

Je suis convaincu que ces entrepreneurs jouent un rôle essentiel. C’est pourquoi j’avais fait adopter un amendement à la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, présentée par Jean-Yves Le Drian, alors ministre de l’Europe et des affaires étrangères, pour reconnaître nos entrepreneurs à l’étranger et les soutenir, via l’Agence française de développement (AFD) – vous l’avez souligné, monsieur le ministre.

La loi prévoit déjà ainsi que « la France reconnaît le rôle actif des entrepreneurs français à l’étranger » comme vecteurs de l’efficacité de notre politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

Je proposerai donc de modifier le titre de la proposition de loi et de l’intituler : « Identifier et valoriser les entrepreneurs français à l’étranger ». En effet, il me paraît important de donner une portée plus utile au texte, ainsi que l’a souhaité notre collègue Fabien Gay, en nous concentrant sur les entrepreneurs français à l’étranger qui ne sont pas étrangers à la France.

Pour ce faire, il convient, dans un premier temps, de les cartographier, de mesurer leur flux d’activités avec la France et de communiquer les données concernant l’impact de l’activité entrepreneuriale française à l’étranger.

La proposition de loi déposée par les sénateurs Garabedian et Bansard du groupe Les Républicains comptait 187 mots, répartis en trois articles : une minute et quinze secondes pour la lire, montre en main ! À trois mois d’une échéance sénatoriale, je félicite et remercie ses auteurs de leur concision.

Le texte de nos deux collègues assimilait les entrepreneurs français de l’étranger aux seuls Français chefs d’entreprise à l’étranger, majoritaires au capital de leur société. Nous étions loin de la start-up nation… Les entrepreneurs de la tech abandonnent pourtant très vite la majorité de leur capital aux fonds d’investissement ; ce sont pourtant de véritables entrepreneurs : ne les oublions pas !

Les trois articles du texte initial ont été judicieusement remaniés par le rapporteur de la commission des affaires économiques, Serge Babary, et je l’en remercie.

J’ai toutefois déposé huit amendements sur le texte de la commission afin d’y ajouter des précisions qui me paraissent importantes. Ils s’inspirent de mon expertise d’entrepreneur français au Royaume-Uni et d’échanges avec les entrepreneurs que j’ai rencontrés au cours de mes 483 déplacements.

À l’article 1er, je proposerai d’inclure la fonction de cadre dirigeant dans la définition de l’entrepreneur français de l’étranger afin que soient pris en compte tous les entrepreneurs.

La question des modalités du recensement prévu à l’article 2 reste entière. Des inquiétudes me remontent déjà sur le caractère intrusif, non désiré par des entrepreneurs binationaux en particulier, et sur le sort des données recueillies par ces comités de recensement. La notion de volontariat, qui n’apparaît pas, doit impérativement être précisée.

Une cartographie est nécessaire pour identifier les entrepreneurs. Comme toujours, pour atteindre sa cible, il faut la connaître. Il serait souhaitable que les conseils consulaires, dont la compétence économique est établie par la loi, soient associés, au même titre que les chambres et les conseillers du commerce extérieur.

L’article 3 crée un label. Je salue cette initiative, qui souligne le dynamisme entrepreneurial français dans le monde, déjà incarné par la French Tech. Le nom « Made by French » proposé par les deux sénateurs Les Républicains a été supprimé par la commission. Comme l’objectif de ce label n’est pas encore défini, le baptiser dès aujourd’hui reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs.

Je proposerai également que le label puisse être attribué automatiquement si les critères objectifs attendus sont remplis, afin d’éviter tout arbitraire et tout conflit d’intérêts au sein des comités.

Nous proposons également d’inclure dans la définition des entrepreneurs français à l’étranger des entrepreneurs qui ne commercialisent pas un savoir-faire particulier, mais qui œuvrent en faveur de l’attractivité de notre territoire. C’est le cas des conseillers financiers, qui favorisent l’investissement en France.

Il revient aux acteurs locaux de décider de l’opportunité de rendre public leur label ou pas. En effet, la publicité du répertoire des entrepreneurs labellisés peut être risquée dans certaines régions géopolitiquement instables. Voilà pourquoi je proposerai la suppression du quatrième alinéa de l’article 3.

Monsieur le ministre, vous déployez d’immenses qualités et faites preuve d’un dévouement total et exemplaire en soutien à nos entrepreneurs à l’étranger.

J’ai une grande confiance dans votre capacité à animer directement un tel label, mais je vous sais soucieux de respecter le droit de la concurrence, notamment le droit communautaire, ainsi que vous l’avez rappelé. C’est pourquoi j’avais déposé un amendement visant à restreindre votre action à la désignation de l’organisme chargé de délivrer ce label. Malheureusement, l’article 40 y a été opposé.

Pour que ce label ne connaisse pas le même sort que celui du Deutsche Qualität de nos amis allemands, il conviendra d’être prudent, si ce texte devait être examiné à l’Assemblée nationale, avec le rattachement du label au ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Si les Philippins de l’étranger sont des héros dans leur pays, c’est parce que tous leurs compatriotes restés au pays savent à quel point l’argent qu’ils renvoient chaque année est déterminant pour l’économie du pays.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à insérer un article additionnel dans le texte : il tend à prévoir que le Gouvernement communique annuellement les données globalisées des entreprises labellisées afin d’évaluer les flux financiers réalisés avec la France.

Nos compatriotes comprendront alors que les petits ruisseaux des entrepreneurs français à l’étranger font les grandes rivières de l’exportation française !

Notre groupe votera ce texte, en espérant que, à l’issue de notre débat, il ne restera pas qu’une initiative dont l’objectif resterait à définir.

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