Monsieur le ministre, quatorze des vingt-neuf mesures de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, dite loi Sécurité globale, ont été rendues applicables. Cela signifie que moins de la moitié des dispositions ont cours, les autres demeurant lettre morte, simples palabres.
Nous avons eu l’occasion de le rappeler depuis, comment ne pas se réjouir que l’ex-article 24, devenu article 52, contesté dans une tribune publiée dans Le Monde par trois prix Nobel de la paix, ainsi que par un nombre extrêmement large de manifestants, de parlementaires et de militants politiques et associatifs, soit censuré avec quatre autres mesures par le Conseil constitutionnel, marquant un camouflet pour ces dispositions que nous considérons comme contraires à la liberté d’informer et floues dans leur application ?
Nous sommes donc face à l’exemple typique d’un projet de loi qui clive la société dans toutes ses composantes. Pourtant, ce texte ne produira que peu d’effets en droit, d’une part, pour des raisons inhérentes à son inconstitutionnalité et, d’autre part, en raison de la volonté du Gouvernement de ne pas l’appliquer. Se pose alors une question simple : pourquoi agir contre les intérêts du plus grand nombre et négliger les principes constitutionnels ?
Outre le fait qu’une seule habilitation à légiférer par ordonnance sur quatre ait été utilisée par le Gouvernement, le texte continue de produire des effets plus de deux années après sa promulgation. Un arrêté du 8 janvier 2023, pris à bas bruit, introduit la connaissance des « principes de la République » aux socles de la formation obligatoire pour exercer dans la sécurité privée. Prévues à l’article 23, ces dispositions auront pour conséquence de substituer trois heures de formation initiale au nom de l’apprentissage des valeurs de la République, au détriment d’enseignements fondamentaux sur les libertés publiques ou les remontées d’informations.
Face à la gravité de telles dispositions, je crains que le Gouvernement n’ait volontairement temporisé et joué la montre pour éviter de prendre ces mesures réglementaires en pleine ébullition en réaction à ce projet de loi contesté. Je vous le disais, il est des cas où nous préférerions que le droit que vous produisez ne soit pas appliqué !